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Photographie judiciaire et mug shots, un visage sur le crime

Publié le 30 septembre 2013 par Ecribouille @Ecribouille

Mon envie d’écrire un billet sur la photographie judiciaire vient d’une recherche, par curiosité, de photographies qu’on voit souvent dans les séries télévisées américaines lorsqu’un malfrat se fait arrêté. C’est un moment qui peut sceller le dénouement d’une histoire policière. C’est devenu un motif récurrent de la fiction jusqu’à même être habilement détourné dans des films tels que Hot Fuzz.

Cette fiche a été retrouvée dans une brocante par un employé des archives du musée Tyne & Wear (Grande-Bretagne). On la suppose des années 1930.
Cette fiche a été retrouvée dans une brocante par un employé des archives du musée Tyne & Wear (Grande-Bretagne). On la suppose des années 1930.
Annie Anderson, voleuse arrêtée en août 1903. Tyne & Wear Archives & Museums
Annie Anderson, voleuse arrêtée en août 1903. Tyne & Wear Archives & Museums

Margaret Greenwood. La photographie a été introduite dans les prisons de Nouvelle Galles du Sud en 1871.
Margaret Greenwood. La photographie a été introduite dans les prisons de Nouvelle Galles du Sud en 1871.
Ralph Sammons, jugé et condamné coupable de vol en 1939, condamné à 25 ans de prison.
Ralph Sammons, jugé et condamné coupable de vol en 1939, condamné à 25 ans de prison.


Face à ces vieux clichés hasardeux si différents de nos photographes d’identité neutres, j’ai voulu aller un peu plus loin dans mes recherches pour découvrir une problématique de fichage, de reconnaissance, de dispositifs pour l’anthropométrie, et tout simplement d’identité.

L’identité d’une future infraction potentielle

Aujourd’hui il paraît tout à fait naturel de disposer d’une photographie d’identité. Obligatoire et très réglementée, on ne s’étonne plus de se la voir refuser lors d’un renouvellement de Carte d’Identité ou de demande de Passeport.

Cheveux attachés, front dégagé, pas de maquillage, figure neutre, voilà le rituel auquel se plie des centaines de personnes chez les photographes et dans les cabines de Photomaton. Self Service de la photographie d’identité, le mode d’emploi est bien clair et des motifs sur l’écran miroir nous montre où positionner exactement sa tête, ses yeux…
De nous-mêmes, nous participons à l’alimentation de bases de données dans laquelle figure chaque habitant du pays. État Civil, livret de famille, photographies d’identité, réseaux sociaux, profils personnels en lignes, ce sont autant de chose qui permettent d’être identifié. L’affaire du voile musulman dans les lieux public est d’ailleurs plus une histoire de possibilité d’identification précise, plutôt que d’une affaire de laïcité.

C’est ainsi qu’aujourd’hui, nous sommes tous envisagés comme potentiellement coupable[s]1.

Franck Leblanc parle dans L’image numérisée du visage: De la pose au positionnement d’une construction d’une identité par une image faite pour l’identification. Nous serions dans une époque moderne où les images de soi sont faites dans le but d’être reconnu sans qu’aucun doute ne soit possible. Cela se voit bien dans le catalogue d’image officielle qu’on a de soi et qui ne sont d’ailleurs pas toujours flatteuses. Et pensons aussi aux photographies individuelles réalisées à l’école pour les envoyer aux membres de la famille.

Tandis que nos papiers officiels ne comportent qu’une photographie de face, le classique portrait judiciaire comporte au moins deux vues qui sont le face et le profil. Pour avoir ces deux points de vue sur le même cliché, un miroir pouvait être positionné afin de gagner du temps (et du papier). Ainsi, les enquêteurs peuvent identifier et interpeller des suspects de manière plus facile, car les fiches dont ils disposent donnent des informations plus complètes qu’une simple carte d’étudiant. On parle même de portrait d’identité judiciaire.

Mais avant d’être l’objet d’une photographie judiciaire qui implique d’avoir déjà été interpellé au moins une fois, on nourrit tout de même une base minimale par nos photographies d’identité modernes. Nous sommes déjà suspects. Ensuite, une fois la portrait d’identité judiciaire réalisé, nous sommes une personne à reconnaître, qu’il faudra du moins reconnaître car nous avons déjà commis une infration.

Insuffisante sans anthropométrie, et le système Bertillon

Le système mis en place à la fin du XIXe siècle par Alphonse Bertillon2 veut répondre aux insuffisances de la photographie pour l’identification. Ma sélection de photographies judiciaire de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle montre bien qu’elle ne permettant pas de reconnaître ces gens dans toutes les occasions possibles. Les dames et les messieurs gardent leurs chapeaux, ils sont pour la plupart en habit de ville et on imagine bien qu’il suffit de changer de style vestimentaire pour ne plus être reconnu.

En ce sens, j’ai trouvé dans Gallica un recueil intitulé Dissemblances physionomiques : Photographies de quelques-uns des malfaiteurs reconnus par le Service anthropométrique comme ayant déjà eté mesurés et photographiés antérieurement sous d’autres noms.

Un avant-propos détaille l’objectif de ces fiches comparatives dont les photographies datent d’avant 1900.

Le but principal de cette collection est de montrer combien la photographie serait un instrument d’identification insuffisant si elle n’est pas aidée par l’anthropométrie.

Chaque page montre une personne interpellée sous une identité, et qui se révèle en être d’une autre pour ainsi montrer les failles du système d’identification judiciaire à ce moment.

Photographie judiciaire et mug shots, un visage sur le crime

L’antropométrie est la mesure de l’homme et la méthode mise en place par Alphone Bertillon (1853-1914) veut permettre une indexation exaustive des détails qui permettent de reconnaître une personne sans risque d’avoir un sosie qui se glisse dans l’affaire. Ce système d’anthropométrie judiciaire a été utilisé jusqu’en 1970 dans toute l’Europe et aux États-Unis. Aujourd’hui les héritiers de ce système se retrouvent dans la biométrie qu’on applique dans le fichage français.

Archives de coulisses d’une photographie judiciaire de la Préfecture de Police de Paris

J’aimerais terminer ce modeste dossier par une autre trouvaille faite dans les méandres de Gallica. Il s’agit de ce Recueil. Service d’identification judiciaire de la Préfecture de Police de Paris3

Mensuration de la largeur de la tête.
Mensuration de la largeur de la tête.

Chambre photographie à renversement.
Chambre photographie à renversement.

Recherche (en tous lieux et sans instruments spéciaux) de l'emplacement donnant la réduction photographique réglementaire.
Recherche (en tous lieux et sans instruments spéciaux) de l’emplacement donnant la réduction photographique réglementaire.


Ce document est réellement intéressant car il montre le dispositif mis en place lors de photographie judiciaire, pour le lieu du crime et photographie d’identité judiciaire. Et si ce billet vous a intéressé, vous allez adorer consulter ce document en entier.


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