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Les moutons

Publié le 20 octobre 2013 par Naira
LES MOUTONS Du 15/10/2013 au 26/10/2013 au Théâtre La Balsamine (http://www.balsamine.be/)

Texte de : Éléna Pérez et Lise Wittamer

Scénographie : Mathieu Chevallier

Avec : Élena Pérez, Lise Wittamer et Renaud Garnier-Fourniguet

Conseiller artistique : Olivier Boudon

Tarifs : de 1,25€ (Article 27) à 20 € (Tarif mécène)

Durée du spectacle : 1h30

«Il s'agit de deux moutons, un blanc et un noir au sexe non défini qui n’ont qu’un seul modèle: l’Homme tel qu'ils l'imaginent: intelligent, pervers, érotique, complexe, manipulateur, inventif, cruel, spirituel, libéré sexuellement et perpétuellement angoissé par la conscience de sa mort prochaine. Les deux moutons s’appellent Corinne et sont indécrottables. L’un est enthousiaste, optimiste, séducteur, l’autre est anarchique, tyrannique et cérébral. Ils sont différents mais vont partir à l’aventure côte à côte. Ils sont fascinés par l’être humain, par sa créativité, son intelligence,... et vont partir à sa découverte. En quête de liberté ils quittent les champs pour la ville et rencontrent Tomy Tom. Lorsqu’ils arrivent à la ville, ne sachant où aller, ils se retrouvent dans un zoo, sorte de métaphore du compromis, du confort… Ce spectacle aborde le thème du conformisme et pose ces questions : Comment sortir de sa condition ? Comment sortir du troupeau ? Comment être différent ?»

En pénétrant dans le théâtre de la Balsamine, on se dit qu’ils doivent être en travaux, avec ces bâches tendues et ces espèces de pots de peinture au sol, mais on s’aperçoit bien vite que l’on vient en fait de pénétrer le domaine de Corinne et Corinne : un joyeux foutoir/bordel/moutonnerie s’étale sous nos yeux. Les deux moutons indociles et revendicateurs vont, dans ce décor loufoque, nous raconter leur périple et leurs aventures, dans un langage à la fois poétique et abrupt : la route, la rencontre, le pouvoir, la vulgarité ou la jalousie, autant de sujets fascinants pour des petits moutons.

Poussés par un esprit libertaire et indépendant, les deux Corinne décident de s’échapper du troupeau pour vivre libres : en chemin, elles rencontrent Tommy Tom, qu’elles « adopteront » et avec lequel elles monteront quelques spectacles au sein du zoo dans lequel elles ont élu domicile. Là, elles vivront « leur liberté », animées par l’envie de s’exprimer librement sans contraintes autres que celles qu’elles consentiront à se mettre : l’une en se gargarisant de réflexions philosophiques, l’autre à travers ses fantasmes charnels. Enfin, tout cela est bien évidemment un point de vue narratif de mouton…car la vérité est peut-être bien ailleurs.

«L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce que l'on a fait de nous» disait Jean-Paul Sartre : c’est ce que Corinne la Noire tente d’expliquer à Corinne la Blanche. En décidant d’incarner des animaux, les comédiennes prennent la distance nécessaire pour parler de l’humain, de ses qualités et défauts, sans tomber dans le jugement. En utilisant la distance offerte par l’animalité, et en jouant de l’indifférence à la morale et à la bienséance des bêtes, elles nous renvoient indéniablement à notre propre condition : certes, les humains ne portent pas (encore) tous le même prénom, mais qu’est-ce qui nous différencie de ces deux moutons ? Ils s’imaginent libres alors qu’ils sont dans un zoo, ils s’imaginent associés à Tommy Tom alors que celui-ci n’est rien d’autre que leur propriétaire, ils s’imaginent libres de penser alors qu’ils ne font que reproduire deux modèles humains : le pseudo intellectuel bouffi d’égo et la greluche superficielle.

Les deux comédiennes Élena Pérez et Lise Wittamer, accompagnées par leur acolyte Renaud Garnier-Fourniguet, tous pleins d’une énergie débordante, nous entraînent joyeusement dans leur monde totalement loufoque. Intégrant de temps à autre des chansons populaires et dynamisantes à leur show, les trois acteurs livrent une critique acerbe de la société, avec beaucoup d'humour et un penchant intéressant pour le mauvais goût, l'expression des fantasmes en tout genre, dans une liberté de ton totale.

Assister à la représentation des moutons, c’est vraiment pénétrer un monde complètement déjanté, où l’on va de surprise en surprise, dans un délire pourtant bien construit : on pense à la Compagnie Royal de Luxe, on pense à l’Aéroflorale, qui avait posé ses bagages à Bruxelles en mai dernier, au pied du Mont des Arts. On pense aussi à Brigitte Fontaine. De cette douce folie-là.

En bref, la compagnie Schieve : c’est vraiment ça : complètement décalé et loufoque, et c’est top ! Allez-y vite !

Pour plus d’information : http://www.balsamine.be/
Marion
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