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Une héroine dans l’ombre (suite 6)

Publié le 13 septembre 2013 par Lumbamba Kanyiki @grandkasai

Les premiers contacts de Ndaya avec les fils de madame Eyenga se déroulèrent normalement. Lorsque madame Eyenga ouvrit bruyamment la porte, ils étaient tous à la table de la salle à manger en train de discuter. « Bonsoir à tous » cria-t-elle d’une voix pleine de gaieté malgré la fatigue de la journée. Comme d’habitude Nancy accourut, donna rapidement des bisous à sa mère et se jeta dans les bras de Ndaya qu’elle embrassa fortement. « Est-ce que maman était gentille envers toi ? » demanda-t-elle à Ndaya, tout en gardant son bras gauche autour de ses épaules. Cette dernière acquiesça de la tête. Madame Eyenga jeta à sa fille un regard réprobateur. « Je ne me reconnais pas avoir une réputation de casseuse » lui répliqua-t-elle. Les deux fils vinrent à l’encontre de leur mère. « Alors, mes grands, on a fait un bon voyage ? », leur lança-t-elle en les embrassant. Le premier lui répondit qu’il n’y avait rien de grave à signaler sur son camion tandis que le deuxième lui disait avoir eu quelques ennuis avec les pneus. Puis, se tournant vers Ndaya qui était en conversation avec Nancy, l’un d’eux demanda : « C’est… Ndaya ? » Celle-ci acquiesça timidement de la tête. Ils se serrèrent calmement la main. « Moi, c’est Paul » commença le premier. « Et moi, c’est Ingo », enchaîna le deuxième.

Le reste de la soirée se passa rapidement, les garçons, tenant chacun un verre de bière en main, faisaient, à tour de rôle, rapport à leur mère sur leur voyage. Des carnets et feuilles diverses passaient d’une main à une autre. Madame Eyenga vérifiait ses comptes.

Pendant ce temps, Ndaya et Nancy s’étaient isolées dans la chambre de cette dernière. Spacieuse avec un grand lit trônant au milieu. En face de celui-ci, était placée une grande garde-robe en bois rouge. Sur la porte coulissante était fixé un très grand miroir. Au fond, contre la fenêtre se trouvait le bureau de Nancy. C’était là qu’elle s’asseyait soit pour étudier ou faire ses devoirs. Les livres et les cahiers y étaient jetés ici et là dans un grand désordre. Sur les murs roses étaient collés des posters des stars du cinéma et de la musique. Nancy alla ouvrir la garde-robe et lui sortit quelques robes. « Essaie ça », lui dit-elle. Comme Ndaya se gênait, elle lui expliqua aussitôt : « Je sais que tu travailles et tu pourras t’acheter tout ce que tu voudras ; mais en attendant, tu peux porter certaines de mes robes. Tu ne peux, tout de même pas sortir toujours dans une même tenue ! » Ndaya les prit et la remercia de sa générosité.

Lorsque ses yeux se portèrent sur les cahiers ouverts sur le bureau, les pensées se bousculèrent dans sa tête. Pourquoi n’avait-elle pas poursuivi ses études ? Chez les Bashilang, presque toutes les filles ne dépassaient pas le cap de la deuxième C.O (cycle d’orientation). Elle se rappela encore les paroles de sa mère : « Les filles, on doit les épouser lorsqu’elles ont encore le lait maternel sur la langue ». Que des bêtises ! Se dit-elle. Car, là, à cet instant, elle se trouvait confrontée à une autre réalité.

Elle prit entre ses mains un des cahiers, l’ouvrit. Nancy avait une belle écriture. Elle tourna les pages, l’une après l’autre et lut à haute voix le titre souligné en rouge: Les grandes civilisations de la savane…Puis, elle ferma les yeux, tourna enfin la tête pour cacher ses larmes à Nancy. Cette dernière, ayant reconnu le chapitre de son cours, lui dit sans détourner la tête de la garde-robe, qu’elle n’aimait pas beaucoup l’histoire, car elle avait l’impression d’apprendre les mensonges. Son cours préféré, c’était la chimie et les mathématiques. Elle apprit à Ndaya qu’elle rêvait de devenir médecin pour soigner les enfants. Ndaya, attirée par la curiosité, aurait voulu continuer à lire les civilisations de la savane, mais se rappelant qu’elle devait écrire une lettre à ses parents, elle demanda du papier et un stylo à Nancy. « Je voudrais écrire à mes parents » lui dit-elle. Celle-ci, lui ayant remis un carnet de feuilles à lettres et un stylo entre les mains, lui dit : « Tu peux t’asseoir sur mon bureau et rédiger tes lettres, comme tu veux ; mais j’aurais voulu que tu essaies d’abord les robes » Ndaya se gênait de se déshabiller là en sa présence. Ce que Nancy remarqua aussitôt. « Nous sommes entre nous, filles ; je ne vais tout de même pas te sauter ! » lui lanca-t-elle en riant. Ndaya rit aussi aux éclats. S’étant assurée que la porte était bien fermée, elle commença à essayer, une à une, les robes que lui tendait Nancy.

Tout à coup, quelqu’un frappa à la porte et entra sans attendre une autorisation. C’était madame Eyenga. Elle jeta un coup d’œil admiratif à Ndaya, dans une belle robe qui faisait ressortir toute sa taille. « Magnifique » lui dit-elle et se tournant vers sa fille, elle lui demanda si elle était déjà prête pour les examens. Lorsqu’elle reçut les assurances qu’elle voulait, elle s’adressa à Ndaya. « Demain à six heures, n’oublie pas » puis, elle leur souhaita le bonsoir et alla dormir. Ndaya s’assit sur la chaise que lui avait présentée Nancy et commença à écrire sa première lettre à ses parents. (A suivre)

Lumbamba Kanyiki

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