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Une héroine dans l’ombre (suite3)

Publié le 26 mai 2013 par Lumbamba Kanyiki @grandkasai

Plusieurs heures s’étaient écoulées depuis que Ndaya était partie du domicile de sa tante. Elle s’était d’abord rendue automatiquement jusqu’à la salle où elle avait fêté la veille dans l’espoir d’y trouver quelqu’un qui pouvait la renseigner sur l’inconnue qui avait emporté la perruque de ses malheurs. Mais il n’y avait personne ni aux abords de la salle, ni dans la salle qui était d’ailleurs fermée à clé. Elle passa alors le reste de son temps à errer ici et là, en « ville » toute proche, la pluie ayant déjà cessé.

Les jeunes gens, les mains dans les mains, faisaient du lèche-vitrine. Les cafés se remplissaient petit-à-petit, avec des clients. Et des vieilles voitures cabossées roulaient les unes après les autres dans un tintamarre assourdissant. Aux vrombissements des moteurs, s’ajoutaient les cris des chauffeurs qui se lancaient des injures à travers les fenêtres de leurs voitures. Les codes de la route comme les règles de courtoisie étaient inexistants dans une ville qui grouillait du monde comme une ruche d’abeilles énervées.

Perdue dans cette marée humaine, Ndaya s’assit au coin d’une rue, sur un bloc de pierre comme si elle attendait quelqu’un. Un petit enfant ayant échappé au contrôle de ses parents s’approcha d’elle, lui sourit. Ndaya lui rendant son sourire, pensa directement à Mundi, son garcon resté chez les Bashilang aux bons soins de sa mère. Ses yeux se remplirent de larmes. « Peut-être que Mundi marche déjà comme ce petit garcon », pensa-t-elle. Elle se rappela que depuis qu’elle était arrivée à Sashanti, elle n’avait écrit ni à ses parents, ni à ses frères et sœurs. Sûrement qu’ils se disaient que tout allait pour le mieux chez sa tante ! Surtout son père qui répétait toujours que, si un malheur lui arrivait un jour et s’il venait à disparaître de ce monde, ses enfants seraient pris en charge par ses beaux-frères et ses belles-sœurs. Comme il se trompait !

En effet, le vieux Mundi avait toujours des problèmes avec ses frères. Pour lui, tous étaient jaloux de lui parce qu’il avait beaucoup d’enfants et habitait en ville. Plusieurs fois, Ndaya les entendait se disputer, mais elle et sa mère n’intervenaient jamais dans leurs discussions. D’ailleurs, ce n’était pas les problèmes des femmes et des enfants. Chez les Bashilang c’était comme dans la bible. Les femmes ne comptaient pas. Les problèmes de la famille ou du clan n’étaient pas leurs problèmes. D’ailleurs, on disait couramment : « bakaji kabatu basa nzubu » (Les femmes ne construisent jamais des cases). Chaque fois que le père coupait les relations avec ses frères, il interdisait, du même coup, aux enfants de communiquer avec leurs oncles, voire leurs cousins. La mère, bien que, n’entrant pas directement dans ses conflits, se réjouissait de la situation parce que, pour elle, tous les membres de la famille du père étaient des sorciers qui venaient chez eux pour soit les ensorceler, soit les envoûter. Ndaya avait des cousins à Sashanti et un oncle paternel chez qui elle pouvait se refugier. Mais au départ de Bashilang, elle avait recu des ordres clairs : « Tu n’iras jamais chez tes cousins comme chez ton oncle. Car, je ne m’entends pas avec leurs pères. Tu m’as bien compris » avait-il insisté auprès de sa fille. Et maintenant, elle ne savait même pas comment et où les chercher.

Dix-huit heures. Le soleil continuait sûrement et doucement son voyage vers le couchant. La chaleur étouffante de la journée avait laissé la place à une brise légère qui soufflait sur la ville qui commencait, petit-à-petit, à se vider de tous les intrus, travailleurs, clients et badauds. Bientôt, les sentinelles allaient arranger leurs couchettes pour la nuit devant les magasins barricadés comme des forteresses.

Ndaya fut prise de peur: Où est-ce qu’elle allait passer la nuit? L’idée lui vint de se rendre à la gare d’où partent les camions vers Bashilang. Celle-ci se trouvait à deux rues derrière le marché central. A bout de nerfs, elle avait décidé d’en finir avec son aventure à Sashanti. Mieux valait rentrer chez ses parents. Mais là aussi, un problème se posait : Comment allait-elle affronter les railleries de ses voisins ?

Lorsqu’elle arriva à la gare, elle trouva un camion à moitié plein avec des cartons et des sacs bruns. Du sucre certainement. Elle s’entretint avec le jeune homme qui, un carnet à la main, était en train d’enregistrer les passagers qui l’entouraient. Il inscrivait des noms dans son carnet, exigeait de voir leurs marchandises, discutait des prix de transport, etc. Elle eut la confirmation de la destination du camion : Bashilang. Puisqu’il fallait négocier, elle choisit d’attendre que le jeune homme termine son enregistrement pour poser son problème.

Elle alla se mettre au coin de la rue, non loin du camion pour mieux contempler pour la dernière fois cette ville grouillante, pleine de mystères.

Seulement trois mois et son rêve était brisé. Elle pensa de nouveau à son fils et son cœur se brisa. Mais pendant que les torrents des larmes coulaient de ses yeux qu’elle essuyait avec le revers de sa main, Ndaya ne remarqua pas une femme d’un certain âge qui s’était arrêtée près d’elle. Très étonnée, elle la regardait pleurer. « comment les gens peuvent se ressembler de la sorte, bon Dieu », se dit-elle. Elle fit encore quelques pas vers Ndaya.

Finalement, elle prit son courage et s’adressa à elle calmement : « Pourquoi pleures-tu de la sorte, jeune fille ? As-tu des problèmes ? » Surprise et gênée par la question, elle regarda l’inconnue sans répondre. Elle baissa la tête comme si elle n’avait pas entendu la question. La dame insista : « Tes parents t’ont chassée de la maison ou quoi? » Ndaya lui répondit enfin que sa tante l’avait chassée de chez elle. Ne sachant où aller, elle voulait solliciter l’amabilité du chauffeur du camion pour la ramener chez ses parents, au pays des Bashilang.

Prise de pitié et de compassion, la dame lui demanda de la suivre. Un long silence et puis : « Je m’appelle Eyenga. » Lui dit-elle. C’était une dame d’une cinquantaine d’années. Elégante, habillée en pagnes superwax, elle portait une chaînette en or avec un médaillon en forme de cœur autour du cou et de grandes boucles d’oreilles. Tout son être respirait une richesse insolente. Un sac en cuir avec des parures en or pendait à son bras gauche. Elle jeta rapidement un coup d’œil à sa montre, puis sur son interlocutrice. « Et toi, comment tu t’appelles ? », lui demanda-t-elle ? « Ndaya ! » lui répondit celle-ci d’une voix lasse et fatiguée.

Il était environs 19 heures ce soir-là lorsque Ndaya s’en alla avec madame Eyenga. Un taxi les ramenait à travers les rues de la capitale déjà éclairées vers Limete, un quartier huppé de la capitale. Lorsqu’ils y arrivèrent, tout était calme, à part quelques passants par-ci, par-là. Ndaya regarda autour d’elle. Des belles maisons entourées de fleurs. La lumière des réverbères se confondait à celle de la lune qui brillait dans un ciel étoilé. Madame Eyenga, lui ouvrit le portail et lui souhaita la bienvenue chez elle. (A suivre)

Lumbamba Kanyiki

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