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Très féérique conte de Saint Nicolas 2013

Publié le 03 décembre 2013 par Legraoully @LeGraoullyOff

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Cependant que l’hiver enroulait son blanc manteau autour de l’Europe, Saint Nicolas, en sa demeure de Demre en Anatolie, était pensif. Le menton dans les mains, il contemplait les bûches crépiter dans la cheminée, et semblait nourrir de noirs desseins. Le Père Fouettard, qui préparait les bagages en vue de la tournée du 6 décembre, ne semblait pas s’inquiéter du subit accès de mélancolie qui frappait son compagnon. Nicolas était toujours grognon avant de partir au boulot, et c’est bien son petit charme bougon qui l’avait séduit  un soir de beuverie sur une frégate qui allait de l’Espagne aux Pays-Bas pour expliquer les bases de l’Inquisition aux hérétiques. Un petit coup de fouet à la nuit tombée et il n’y paraîtrait plus.

Toutefois, au bout d’un certain nombre d’allées et venues de Fouettard à travers le séjour, Nicolas émit un soupir sonore. L’âne, qui ronronnait sur un tapis non loin du foyer dressa subitement les oreilles, et Fouettard eut un temps d’arrêt. Il ne s’agissait pas d’un de ces soupirs las, corollaires du pénible quart d’heure qui suit le réveil du jour où on se lève pour aller bosser. Il s’agissait plus d’un râle courroucé. Il jeta à regard à Nicolas et constata qu’il n’avait pas touché ni son assiette de charcuterie ni à son mojito, et encore plus étonnant, qu’il avait déjà enfilé sa tenue de travail. Il remuait distraitement les braises su bout de sa crosse, et Fouettard sentit que son saint patron des écoliers était d’humeur à faire une scène de ménage.

« Alors ma grosse? C’est quoi le problème aujourd’hui? J’ai emmené ton shampooing pour la barbe; je t’ai fait ton sandwich et ton mojito, auxquels tu n’as même pas touché; j’ai consciencieusement rempli la valise de tous les objets qui figuraient sur ta liste; j’ai préparé un bœuf bourguignon comme tu les aimes pour quand on reviendra; par ailleurs le FC Metz est allègrement en tête du championnat après avoir corrigé Nancy (j’ai fait un DVD pour la route), et j’ai aiguisé mon fouet pour cette nuit. Que te faut-il de plus? »

Nicolas ne tourna même pas la tête, et jeta une feuille sur la table qui séparait les deux hommes. Avant que Fouettard ne s’emparât du papier, Nicolas lâcha fébrilement en jetant son cigare dans la cheminée:

 » On est foutu, Piet. Foutus. Je ne sais pas s’il y aura une prochaine tournée »

Le fidèle compagnon du saint eut un frisson d’effroi. Il déplia fébrilement le papier que Nicolas avait jeté, et avant qu’il n’entreprit de lire, Nicolas reprit la parole.

 » Je n’arrive toujours pas à y croire. Des siècles de vie commune, de sacrifices, de concessions. Je pourrais glander tranquillement avec les autres au plus haut des cieux, me taper des chérubins par paquets de mille en les tenant bien par les ailes pour pas qu’ils bougent, je pourrais profiter du talent de l’autre con pour changer la flotte en jaja, me trimballer toute la journée en nuisette avec un néon au dessus du carafon comme tous les autres saints, au lieu de quoi, par amour, je décide de rester dans cette vallée de larmes pour distribuer des sucreries à des petits cons déjà obèses, à dos d’âne à travers tous les climats pourris d’Europe.

Et là, qu’apprends-je? L’homme de ma vie n’est pas celui que je crois.

- Attends, Nico chéri, je peux tout t’expliquer, je…

- Il n’y a rien à expliquer. Tu t’appelles Zwarte Piet, et d’après les Nations Unies, tu serais noir. Ceci expliquerait bien des choses quand à mes émois nocturnes. Mais tu sais que je suis l’arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière grand père de Jean François Copé, et que je ne saurais tolérer la moindre goutte de sang africain dans ma lignée! Je suis entré dans l’Histoire, moi, monsieur!

- Copé est ton descendant? réplique Fouettard avec étonnement.

- Mais d’où crois-tu que lui vient cette obsession pour les pains au chocolat? tonna Nicolas. Et ne change pas de sujet! Tu m’as menti!

Les larmes commencèrent de couler le long des joues parcheminées de Nicolas, et il se réfugia dans le giron de l’âne qui s’en battait les flancs et qui attendait ses croquettes. Il se remit tout de même à ronronner par pure charité chrétienne, quoiqu’il fut athée, tout en pensant qu’une boîte de Whiskas valait bien une petite entorse à ses convictions de libre-penseur.

Fouettard se jeta aux genoux de son amant et le supplia de le laisser s’expliquer. Nicolas couina comme une madeleine de Liverdun et tenta de le repousser tant et plus, il menaça d’annuler sa tournée et pris même son téléphone portable pour informer Thomas Scuderi de sa défection. Il considéra même que l’élu messin était un parti fort honorable si sa liaison avec Piet Fouettard devait toucher à sa fin.

Fouettard passa son bras dans le conduit de la cheminée et frotta sa main noircie sur son visage.

« Nico, regarde moi, ma biche. Nicolas, ma petite mirabellounette. Quand tu m’as rencontré, j’avais de la suie sur le visage à cause de tous les buchers de l’Inquisition. Je ne suis pas noir, je m’appelle Pieter Valls, je suis banquier de profession et j’ai fui l’Espagne parce que j’ai traité Torquemada de sale gauchiste droit-de-l’hommiste. Je me suis simplement déguisé pour me faire expulser! C’est comme ça que nous nous sommes rencontré sur cette frégate! »

Saint Nicolas leva ses yeux encore humides vers son chéri, et lui répondit:

« Tu es l’ancêtre de Manuel Valls? Mais tes descendants sont aussi pourris que les miens! Viens donc me donner le fouet, mon fouettarounet d’amour! »

Pendant que les deux hommes gravissaient l’escalier pour s’adonner à leurs penchants pervers, l’âne se rapprocha de la cheminée qui brûlait de ses derniers feux, et il commença de faire sa toilette.

Saint Nicolas n’avait encore jamais remarqué que depuis tant d’années, il faisait sa tournée à dos de chat.


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