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Migrations saisonnières d'éoliennes

Publié le 19 décembre 2013 par Rolandbosquet

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     Du sommet dénudé des collines ou au milieu des mornes plaines, les éoliennes illustrent chaque jour la grandiose modernité de l’esprit humain. Mais soyons réalistes. Avec ses cortèges de gels, de brouillards et de pluies, l’automne nous entraîne inexorablement vers l’hiver. Et en hiver, pour cause de bourrasque un jour ou de vent chiche le lendemain, les éoliennes ne ressemblent plus guère qu’à de grands oiseaux immobiles. Elles ne servent à rien. Ne pourrait-on les remiser dans quelque grange ? Ainsi protégées des intempéries, elles jouiraient d’un répit certes peu mérité mais susceptible, peut-être, de stimuler leurs ardeurs les beaux jours revenus. À moins qu’on ne les forme à accompagner les grues et les oies sauvages dans leurs migrations vers le sud. Des pilotes d’ULM expérimentés les exerceraient d’abord à tourner en rond au-dessus des landes désertées par l’homme pour cause de médiocre rentabilité. Puis, ils leurs apprendraient à s’orienter avec les étoiles au cours de longues randonnées nocturnes jusqu’à Bordeaux, par exemple, Toulouse ou même Tarascon. À la lisière de ces villes étapes,  des aires de repos leurs seraient aménagées. Les touristes afflueraient en masse pour admirer le spectacle étonnant de ces robustes carcasses de métal alanguies dans l’herbe rase de leurs enclos. Les commerces locaux connaîtraient un regain d’activité. Les boulangers sortiraient de leurs fournils des pains d’autrefois, les charcutiers accommoderaient d’épaisses fougasses fourrées aux lardons et aux olives noires, les cordons-bleus du terroir mitonneraient des cassoulets géants, les maîtres-queux des contrées voisines prépareraient de plantureux goulaschs, les auberges bios proposeraient leurs salades de saison et les pizzaiolos dresseraient leurs étals au bord des routes autour d’immenses braseros. Des tavernes rouvriraient leurs portes en toute hâte. Des jeux clandestins se pratiqueraient dans leurs arrière-salles et elles paieraient un impôt forfaitaire à la commune, au canton, au département, à la région et à l’état. Ce qui réduirait d’autant leurs déficits structurels. On voit par là combien une telle organisation serait profitable à la collectivité. Mais je ne me fais guère d’illusions. Les écologistes ne verraient pas d’un bon œil la disparition, même saisonnière, de leurs totems. En dépit des dictons populaires qui expriment si bien la sagesse de nos anciens tels que "Beau temps à la Saint Daniel coupe le vent aux éoliennes" ou " À la Sainte Adèle, repos des éoliennes", ils feraient pression sur les élus locaux. « Nous ne voterons pas le budget de la culture ! » Les élections municipales approchant, les édiles s’alarmeraient. Aucune commune n’accepterait plus la charge de ville-étape. Les éoliennes seraient contraintes de tourner en rond. Peut-être même les plus fragiles, rompues de fatigue, chuteraient-elles sur le sol au risque de se blesser. Non, le danger serait bien trop grand ! Il vaut mieux, tout compte fait, qu’elles demeurent bien arrimées à leur socle et n’en bougent point. Peut-être un jour leur trouvera-t-on une réelle utilité ! En attendant, on pourrait les décorer de guirlandes multicolores, de boules à reflets argentés et d’étoiles clignotantes. Comme des sapins de Noël. Elles participeraient ainsi à l’ambiance festive qui illumine les derniers jours de l’année. Mais je suis un incorrigible rêveur. J’écrivais déjà une chronique identique l’an passé à la même époque. En vain. Rien n’a été fait. Pas même une commission quelconque. Le monde a ainsi continué de tourner de guingois toute l’année et continuera sans aucun doute l’année prochaine.


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