Magazine Journal intime
Traque sur Internet
Publié le 10 mai 2008 par CorckyJe ne vais jamais sur Facebook.
Ni sur Myspace, d'ailleurs.
Ben non.
Les réseaux sociaux m'emmerdent.
Profondément.
Je ne me vois décidément pas aller loler hystériquement avec des inconnus et leur balancer des blagues (de cul, Belges, Auvergnates, de Toto, au choix) juste parce qu'ils écoutent Led Zeppelin et le Maximum Kouette, ou parce qu'ils ont voté Royal en serrant les fesses, ou encore parce qu'ils ont vu tous les épisodes des Griffes de la Nuit (même Freddy contre Jason, qui est une merde intégrale).
En gros, c'est pas parce que j'ai forcément des points communs avec plusieurs millions de personnes que j'ai naturellement envie de faire leur connaissance et de leur proposer une grenadine en terrasse à Beaubourg (ou une Tequila à Belleville).
Les seules fois où j'ai consenti à m'immerger dans une réserve virtuelle de clones légèrement formatés adeptes du "mdr", c'était pour m'envoyer en l'air, et même là, j'ai ramé, parce que je ne te ferai pas le compte des "slt, plan Q?" que je me suis fadés, sans parler des "tchats" inconsistants qui durent trois plombes et tournent essentiellement autour du nombre de fois où tu as vu When night is falling (la meilleure tactique consiste à répondre "aucune", ce qui te donne immédiatement le statut de béotienne primitive et clôt rapidement une discussion qui t'emmerdait presque autant qu'un débat télévisé visant à savoir si Carla Bruni a véritablement transformé Nicolas Sarkozy après le voyage en Angleterre).
En plus, j'ai jamais chopé, encore moins serré, sur ce genre de sites. Dans les rencarts que j'ai eus, je peux te citer la Gothique fringuée comme Marilyn Manson, avec faux ongles noirs et lentilles de contact translucides (on devrait réserver Lestat le Vampire à un public averti dont la résistance psychique a été préalablement testée), la gonzesse tellement timide qu'elle ne te regarde à aucun moment dans les yeux pendant qu'elle te parle de sa passion pour l'aquariophilie récifale, ou encore la Manga Girl complètement japonisée au look de Sailor Moon qui te parle presque en nippon et arrive à placer les mots Akihabara, Otaku et Doujinshi une bonne centaine de fois dans la conversation.
Non, moi, la seule que j'ai pêchée, c'est celle que je me suis gardé au chaud et qui tous les jours partage mon cassoulet.
Enfin bref, tout ça pour te dire que je ne suis pas une adepte des rencontres sur Internet, que j'y crois à peu près autant qu'à la bonne foi de Monsanto en ce qui concerne l'innocuité des OGM, et que je préfère de loin les bonnes vieilles fiestas entre potes qui se connaissent depuis les bancs de l'école, de la fac ou de l'école d'infirmière, ou alors les collègues de boulot qui se transforment insidieusement en amis avant que t'aies eu le temps d'écrire "lol".
Pourtant, parfois, il arrive des trucs.
Des trucs un peu étranges.
Psychédéliques.
Imaginons que tu as un blog, comme environ cinq millions de Français.
Imaginons que ce blog, avec du temps et de la patience, tu l'aies bichonné, arrosé, taillé, un peu comme le bonzaï de Daniel-San dans Karaté Kid.
Imaginons qu'un beau jour, tu t'aperçoives qu'il y a, parmis les gens qui viennent régulièrement lire tes conneries, un petit groupe complètement hétéroclite dont, sans t'en rendre compte, tu connais un peu les habitudes, les boulots, les goûts en matière de musique, de bouquins et de recettes culinaires.
Imaginons que dans ce petit groupe, et parce que l'humain est humain, des liens commencent à se tisser, d'abord de façon très légère, et puis de plus en plus en profondeur, parce que Star Wars, parce que les Monty Python, parce que les Beatles, parce que Le combat ordinaire, parce que le Petit Prince, parce que le pollo con arroz a la cubana, parce que les blogs des autres ou bien tout simplement parce que.
Eh ben, de fil en aiguille, tu peux te retrouver avec un Fred à la mémoire rouge, une ostéopathe cinglée, un papa tout frais, une exilée en costume de Catwoman, un commentateur-fleuve du Sud, des mères de famille, des gouines douées avec les mots, un Tonton qui flingue, une Corse qui se caille les miches chez les Krisprolls et des infirmières, tu peux même hériter d'un petit frère qu'était pas du tout prévu au programme et d'une petite soeur au langage de poissonnière qui bouffe du Gefilte Fish et des Latkes (et qui a osé appelé son fils Lazare, et c'est là que tu es bien contente de la connaître, cette pouffe).
Et parfois même, tu finis par te retrouver assise sur un balcon, à deux heures du mat', après avoir fait un sort à un poulet rôti et à une divine mousse au chocolat, en train de siroter un verre de rouge, avec une petite brise toute parisienne qui vient ébourrifer le poil du gros chat de la maison, pendant que ta gosse ronfle sur le canapé du salon en serrant dans son p'tit poing la grenouille en bois qu'elle a réussi à se faire donner par les maîtresses de maison (ne m'invite jamais chez toi avec ma môme, tu te ferais dépouiller plus sûrement que sur le parking du centre commercial de Rosny 2 un samedi soir à minuit).
Tu es carrément bien, détendue du téton et du bulbe, ça fait cinq heures que tu papotes, que tu te marres, que tu apprends des choses parfaitement anodines ou complètement cruciales (et ça te fait un bien fou), t'es limite comme à la maison, quoi, d'ailleurs ta môme ne s'y est pas trompée, elle qui a annexé le mini baby-foot et le lecteur de DVD à peine dix minutes après son arrivée, et qui a réclammé les genoux de la raconteuse d'histoires plutôt que les tiens pour le câlin d'avant roupillage.
Tu finis par te faire gentiment raccompagner chez toi en bagnole, un peu pompette, la gamine enroulée dans une couverture (avec sa putain de grenouille en bois pressée sur son coeur), tu atterris miraculeusement sous ta couette, et y'a quand même un moment, un seul, où tu te dis que tu n'avais jamais rencontré ces nanas auparavant, que tu te contentais de lire leur blog, que tu te disais juste qu'elles écrivaient sacrément bien, que tu les imaginais comme ci ou comme ça, que décidément, la mousse au chocolat était une tuerie de sa race, que tiens, faudra que tu penses à programmer rapidement un barbecue avec elles sur ta terrasse à toi, et que oh merde, t'as oublié les chouchoux de la môme sur leur table de chevet.
Alors forcément, je vais pas sur Myspace.
Ni sur Facebook.