D’une façon ou d’une autre, tout a commencé ce jour là. Après une nuit pleine de rêves aux côtés de la belle Jane, il se lève et se dirige vers le piano. Encore assoupie, Jane se retrouve seule dans le grand lit. Les doigts de Paul effleurent le piano. On est au printemps 1965, la mélodie fige l’instant: d’une traite, comme venue directement de son rêve, Paul s’envole. Obsédé, elle est pour lui comme un nouveau né qu’il veut embellir et rendre parfaite.
A cet instant, Jane ne sait pas qu’elle est en train d’assister aux prémices d’un événement qui la dépasse, et qu’elle verra d’ailleurs de très loin. Paul, propulsé depuis quelques années déjà au rang de star internationale avec ses trois compères, est en train de s’affirmer comme un artiste à part entière. Autant que le poète musical, c’est l’homme qui prend en main son destin. Exigeant, autoritaire, il l’a toujours été. Dictant sa volonté, il a pour autant toujours du composer avec les autres. Alors que ses doigts terminent leur besogne, le rêve entre dans le réel. Sans un mot, il se lève, prend ses affaires, et sans même un regard, quitte la chambre.
Quelques années plus tard, Paul se lève. Il est pensif. Encore assoupie, Linda se retrouve seule dans le grand lit. Les doigts de Paul effleurent le piano. Linda se lève et s’approche en silence. Elle sait qu’il est resté de longs mois abattu après sa séparation avec les autres. De star internationale, il est passé au statut de bon musicien sans grande inspiration. Pourtant, il réfléchit jour et nuit pour trouver la formule qui pourrait lui permettre de relancer sa carrière. De l’inspiration, il en a, du talent aussi, et il le sait. Ne reste plus qu’à structurer tout cela et prouver à tous ce qu’il vaut réellement.
Lorsque l’oiseau qui s’était posé sur le rebord de la fenêtre pris son envol, il eut une sorte d’illumination. Le mouvement gracieux de ses ailes filant vers l’horizon donna a Paul l’idée qu’il cherchait depuis si longtemps. Prenant Linda à son bras, il l’assit devant le piano. Alors qu’elle s’essayait fébrilement sur cet instrument qu’elle n’avait pas touché depuis son enfance, il prit une partition et se mit à gratter frénétiquement son crayon dessus.