Magazine Journal intime

La Bande Originale Du Film De Ma Mort.

Publié le 11 mai 2008 par Mélina Loupia
Tout comme Dalida qui chantait le vouloir sur scène, ou Molière, dont la légende raconte que c'est en jouant Le malade imaginaire que les premières planches qui entendraient son dernier souffle auraient été celles d'un théâtre, (Je ne suis pas historienne, alors les érudits, museau.), je me suis toujours demandé, quelle serait la mélodie jouée lors de ma mort. Pas celle que le transistor de l'église collé contre le micro diffuserait lorsque mon cercueil fendra le cortège ému et irrésolu. Non, la musique de l'instant T de ma mort. Si toutefois il devait y en avoir à ce moment précis où on revoir tout le film à l'envers et très vite ( Je ne suis pas docteur non plus, alors les rationalistes, museau.) Alors certes, à la maison, la musique fait partie des murs, elle se lève et se couche avec moi. Quand j'y suis. Parfois même j'oublie d'éteindre l'ampli quand je sors pour une durée indéterminée. Et l'on peut croire que le cul vissé sur un siège ne représente pas un danger de mort imminent. (Je ne suis pas statisticienne, alors les matheux, museau.) Mais tout de même, le seul endroit probable que la musique et la mort soient réunies pour m'accompagner vers ma dernière demeure, c'est bien la voiture. Cariolette ou Troicencette pour être bien précis. Car à choisir, je souhaite être maîtresse de mon destin et tenir le volant d'une main, l'autre sur le pommeau du levier de vitesse, chemise ouverte, chaîne en or qui brille. ( Je ne suis pas I Am, alors les paroliers, museau.). Et le hasard m'a fait me confontrer à cette réalité pas plus tard qu'hier après-midi. Copilote hébergeant actuellement un alien en son sein, un ou une pensionnaire en provenance de Teutonie débarquant mardi qui vient, un ou deux placards et clayettes du frigo vides et de la paperasse à porter à qui de droit en mains propres m'avaient poussée à mettre la clé dans le démarreur de Troicencette à treize heures quarante trois. (Je ne suis pas horlogère, mais j'ai la mémoire des chiffres luminescents, alors les retardataires, museau.) Réflexe mécanique, la radio s'allume et braille gentiment dès que je démarre. Immédiatement, je balaye l'environnement immédiat à l'aide de mes yeux et des images inversées dans tous les rétroviseurs. Rien. Je ne risque rien. C'est au bout de quinze kilomètres et d'autant de minutes musicales dont je ne me rappelle pas la programmation que la faux se met en travers de mon chemin. Et devant moi, une grosse cylindrée catalane qui décide de mettre un peu de piment dans la vie de ses occupants et faire demi-tour de façon tout à fait improvisée et impropre aux lois de la circulation en vigueur dans notre pays. Mais comme elle le fait en moins de quatre secondes et en laissant un mois de mon salaire en gomme sur la route, personne ne dit rien, la mort s'en va en râlant. Je monte le son, j'ai besoin de m'étourdir pour ne plus penser que j'aurais très bien pu bénéficier de l'inconscience du chauffard qui avait voulu montrer je ne sais quel talent de maîtrise de son véhicule surpuissant à quiconque. Les vingt mille mètres qui me séparent de mon premier arrêt ne font pas la place à la fin de ma vie et encore une fois, je n'écoute qu'en mode mono ce que les hauts-parleurs pourtant fidèlement élevés tentent de me faire aimer. Je n'ai qu'une seule idée en tête, sortir de la route pour entrer à la maison. Mais comme je le veux vivante, je n'ai pas d'autre choix que de faire l'accordéon sur la rocade, attendant que les touristes aient achevé leur extase devant l'aspect médiéval des voûtes carcassonnaises. Chemin faisant, j'arrive, je me gare, remets les documents, me tape la première marche arrière en un temps de tous les temps, repars, et emprunte malgré moi le sens inverse, toutefois moins engorgé qu'à l'aller. Le temps qu'il fait était en train d'occuper mes pensées quand la dame en noir entame sa danse de la joie devant mes roues, en la matière d'une énorme branche en bois d'arbre qui venait de choir alors que le vent n'en était qu'à son tour de chauffe. Et alors que je pulvérise la pédale de freins de mes deux pieds et de tout le poids de mon corps ( Je ne suis pas orthodoxe en conduite, alors les examinateurs, museau.), derrière moi, un méchant tout terrain pollueur arrive comme une balle, sans l'intention visible de ne freiner autrement que par le moyen de mon véhicule. Je n'ai pas d'autre choix que de déborder sur la voie inverse, sur laquelle un bus transportant d'écarlates touristes traçait sa route. Entre nous, à peine la distance de Troicencette. Si j'écoute la musique, je meurs. Alors j'accélère, déboîte et me rabats sans respirer, sans écouter. Je laisse la branche s'agiter furieusement dans l'air déplacé, les touristes manger leurs bobs d'effroi et le tout terrain ronger ses freins ailleurs. Lorsque je sors de mon apnée, je suis à nouveau libre de rouler à la vitesse réglementaire et sans encombre. Il fait beau tout d'un coup et je sens que j'ai gagné quelque chose de précieux. Mais je n'arrive pas à me rappeler à quelle musique ce bonheur fait référence à cet instant. Lorsque j'arrive à la hauteur de ce complexe touristique qui déverse sur ma droite un flot plutôt contrôlé de Nordistes, ce n'est pas un bus immense qui prend la priorité en imposant son volume, mais une voiture sans permis. Avec à son bord, une tête violette. Je ne sais pas lequel du véhicule ou de son conducteur a vu la naissance de l'électricité avant l'autre. Mais une chose est sûre, c'est qu'il n'est pas le seul occupant de la maigre carcasse. Un obscur passager a réussi contorsionner la sienne et à faire en sorte que la toile de jute ne se coince pas dans la portière. J'ai à peine eu le temps de  comprendre que non seulement elle s'était engagé sur la rocade sans regarder le danger par l'arrière, mais encore avait-elle décidé de faire demi-tour sur une double voie en sens unique. J'ai à peine eu le temps de ralentir pour lui éviter de faire un demi-tour sur une quatre voies à sens unique. Coups d'avertisseur appuyés que j'en ai failli déclencher l'air bag, appels de phares et geste de la main façon anges de la route. Je me suis rendu compte que son ange, c'était moi et que je combattais le démon à ses côtés. J'ai monté le son très fort jusque sur le parking du supermarché, où tous les chariots qui tiraient les consommateurs poussifs se retournaient sur mon passage métallisé. Le vague souvenir que le flash d'information rendait un énième hommage à Pascal Sevran mort pour de bon, lui. J'ai accompli mon devoir de mère et de ménagère attentionnées, rempli mon chariot branlant qui remplira à son tour mes placards, ai gagné un bon de vingt Euros à valoir sur du carburant, me récompensant d'avoir effectué plus de cent cinquante Euros d'achats, retiré soixante dix Euros supplémentaires pour pallier à la panne du terminal de cartes bancaires du bureau de tabac, et ai repris le chemin du retour. Mais la vengeance est un plat qui se mange froid, comme la mort qui chevauchait un boulet de canon sur deux roues et que je voyais au loin grossir à toute allure et fondre sur moi. L'engin fou était en train de doubler un camion lent à la sortie d'un virage que j'étais en train d'amorcer. Un instant, j'ai cru voir la faux briller au soleil, au moment où le conducteur tout en cuir et en casque a donné l'ultime et mesuré coup de guidon salvateur. La lame a fauché dans le vide. La moto a filé. Je suis rentrée. J'ai déballé et rangé mes courses. J'ai embrassé mes enfants. J'ai bu un café avec Copilote. Je n'ai rien dit. J'ai enfin écouté de la musique sans me dire qu'elle serait peut-être celle de ma mort. Parce que la musique, c'est un facteur de bonheur, d'espoir et de joie. C'est la vie, en principe. Olivier, Benjamin, je sais que vous avez eu la musique que vous vouliez à ce moment-là. Pascale, heureusement que tu n'en écoutais pas, sur ta moto. Bénédicte, Dom et les autres, regardez la route au lieu de lire en conduisant.

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