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L'affaire Samalas

Publié le 13 janvier 2014 par Rolandbosquet

Samalas

   L’affaire commence au début de l’hiver de l’an de grâce 1257 sous le règne du bon Roy Louis le Neuvième. Celui qu’on appellera plus tard Saint-Louis vient d’arbitrer brillamment la succession du comté de Hainaut par le "dit de Péronne". Il réglemente ensuite le commerce parisien de la prostitution en la refoulant hors les murs. La reine, Marguerite de Provence, donne naissance à Robert, leur dixième enfant. Rien ne laisse présager les jours terribles qui vont suivre. Et pourtant ! Les vents d’ouest s’installent durablement sur le royaume de France et sur l’Europe toute entière et un air chaud et humide remplace le froid coutumier. "En tout l’hiver, raconte d’ailleurs un chroniqueur anonyme de l’époque, ne gela que deux jours. En mois de janvier violettes et fraisiers  fleurissaient et les pommiers étaient tout blancs fleuris". Hélas, le froid arrive bientôt. Le printemps voit les gelées anéantir les promesses de fruits. Le soleil se voile et d’interminables nuées pluvieuses brouillent tellement le ciel d’été que l’on se croirait à l’automne. Les récoltes sont catastrophiques et les rares grains pourrissent dans les greniers. Inondations, famines et épidémies font des centaines de milliers de victimes et les hivers suivants seront très longs, très froids et très meurtriers. Mais l’Europe n’est pas la seule à être frappée. C’est en fait la Terre entière qui est touchée. Ainsi la surface des banquises augmente sensiblement au point que l’histoire d’un Groenland  couvert de riches pâturages sera bientôt qualifiée de mythique. Les dérives des grands courants maritimes sont modifiées et les discours des marins sur le départ des poissons seront mis au compte de divagations hallucinatoires. Il faudra pourtant au climat près de six cents ans pour retrouver sa normalitude. Le ou les coupables ? Glaciologie, géochimie, géomorphologie, tout un faisceau d’indices désigne de gigantesques éruptions volcaniques du Samalas sur l’île indonésienne de Lombok et de quelques autres de ses compères de la ceinture tropicale. Près de 500000 tonnes de matières par secondes sont crachées dans l’atmosphère par chacun des fils de Vulcain jusqu’à des 43000 mètres d’altitude. Leurs retombées provoquent  des coulées pyroclastiques dévastatrices. Une petite ère glacière s’abat sur la planète. Les experts du Groupement Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat ne s’étaient pas encore réunis. Sinon, ils auraient probablement pronostiqué le retour de la barbarie et la fin de la civilisation. Ils constatent aujourd’hui un certain réchauffement climatique et en datent les prémices au milieu du XIXème siècle. À cause, disent-ils, de la pollution due à l’industrie naissante. Est-ce une coïncidence ? C’est précisément à cette époque que les conséquences des colères telluriques survenues au treizième siècle ne sont plus qu’un mauvais souvenir. J’évoquais il y a peu (chronique du 10 décembre 2013 intitulée les scientifiques s’interrogent) la perplexité présente de nos experts. À l’exemple de Diogène, ils recherchent désespérément leur fameux réchauffement climatique disparu depuis 1998. Et si, en réalité, le climat ne faisait que retrouver, enfin, son rythme de croisière ? Et si, après ce siècle et demi de remontée moyenne de 0,12° de température par an, il était arrivé à son palier normal ? Le vieux bougon n’est évidemment en rien émérite en l’affaire. Il se contente d’observer son courtil et son potager et il trouve qu’ils ne se portent pas vraiment plus mal que du temps de son père, de son grand-père et peut-être même de son arrière-grand-père. Je veux bien admettre le réchauffement en question. Même si on ne peut honnêtement lui attribuer les déluges de pluies et les inondations qui les accompagnent chaque nouvel hiver sur nos belles côtes au climat tempéré.  Mais suffit-il de savoir lire un thermomètre ou même deux pour pouvoir prétendre fixer l’avenir ? Je m’interroge. Nous avons connu tant d’annonces inconséquentes de fin du monde et même de chutes d’engins spatiaux sur nos têtes  chenues que le doute, forcément, un jour ou l’autre s’insinue. Quoi qu’il en soit, le monde continue de tourner cahin-caha, indifférent et prémonitoire.


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