Sept +sept

   Réunion-débat à la salle des fêtes du village au sujet de l’installation de nouvelles éoliennes à côté de celles qui illustrent déjà le sommet de nos collines. Le maire préside les débats, flanqué du premier adjoint d’un côté et du représentant de la société gérante de l’autre. Leur faisant face et assis sur les chaises de droite, les défenseurs de l’avenir d’hier : le boucher, le garagiste, les deux boulangers, le buraliste et la pharmacienne. Sur les chaises de gauche, se tiennent les adeptes de l’avenir de demain, c’est du moins ainsi qu’ils se présentent : un professeur de littérature nouvellement à la retraite, un fonctionnaire territorial de la Ville, une aide-ménagère aux cheveux rouges,  le clerc du notaire et le mari de la pharmacienne. Ces derniers sont accompagnés du futur maire du village, c’est du moins ce qu’il prétend, ancien exploitant agricole reconverti dans le syndicalisme coopératif et président de l’Association pour la Défense de l’Environnement. Au fond de la salle et échangeant les dernières nouvelles, quelques habitants de la commune voisine riverains plus ou moins proches des machines en question. Après un exposé succinct, le maire donne la parole au gérant de la société. Il sera bref, lui aussi, en rappelant sobrement le montant des redevances qu’il distribue à la commune et au département, les impôts auxquels il est assujetti comme propriétaire du terrain, sans oublier les taxes d’enlèvement des ordures ménagères alors que la benne à ordure ne monte jamais jusqu’au sommet de la colline vu qu’il ne produit aucune ordure, le salaire de l’employé qui n’a rien à faire mais qui est obligatoire et les charges sociales afférentes qu’il concède aux organismes collecteurs. Il conclut en réaffirmant son intention d’ajouter sept autres éoliennes au parc existant. Il est félicité, à droite, pour la clarté de son analyse tandis que circulent au milieu des observateurs du fond des rappels de chiffres pour les malentendants et des explications de texte pour les autres. Mais le brouhaha ne dure guère car se dresse bientôt la silhouette longiligne du futur candidat aux plus hautes responsabilités communales.   « En tant que président de l’Association de Défense de l’Environnement, commence celui-ci, je rappelle que je suis contre l’installation des éoliennes. Vous avez complètement défiguré le paysage avec les premières. Inutile de persister dans l’erreur » Le maire rétorque qu’il ne saurait imaginer que cette opposition  puisse trouver son origine dans le fait que les dites éoliennes se situent directement dans l’axe de la terrasse du plaignant. Un murmure réprobateur s’élève de la partie de gauche de la salle tandis que le mari de la pharmacienne se dresse, scandalisé. « Vos insinuations ne nous feront pas oublier les raisons mercantiles qui vous animent ! » Il faudra encore une heure d’apostrophes diverses avant de parvenir à une conclusion démocratique. « Dans le cadre de l’enquête publique obligatoire avant toute installation d’éoliennes, conclut le maire, je transmets donc à Monsieur le Préfet l’accord de l’assemblée en général et l’opposition de l’Association de Défense de l’Environnement en particulier. » À l’issue des innombrables démarches administratives encore à venir, nul ne doute alors que les travaux commenceront aussitôt que possible. Et le monde continuera sa course vers le progrès au rythme tranquille des pales des éoliennes.