Une information de la première importance vient d’être affichée dans le couloir qui donne accès aux bureaux de la mairie de mon village. En raison des prochaines élections municipales, la décision de créer d’un nouveau lotissement en périphérie du bourg est ajournée. La crise du logement sera donc prolongée d’une année de plus. Il fut un temps que les moins de quatre-vingts ans ne peuvent pas connaître où bien de jeunes couples se contentaient de s’installer, provisoirement au moins, dans la chambre familiale de l’un des deux tourtereaux. Ils pouvaient ainsi économiser sur le loyer en vue d’acheter ensuite quelques meubles pour leur propre foyer. Il fallait certes supporter la belle-mère qui continuait à tout régenter mais cette cohabitation n’empêchait pas, au moins, l’arrivée d’un enfant dans les premiers mois qui suivaient le mariage. On disait alors qu’il était précoce. Aujourd’hui, tout le monde veut, tout de suite, son propre appartement. On peut le comprendre pour ceux qui sont mariés, pacsés, en concubinage ou simplement "en ménage" sans parchemin signé et tamponné. Le bât blesse avec les célibataires qui, par définition, occupent seuls un appartement tout entier. Vaste salon avec téléviseur grand écran, salle à manger Ikea, chambre avec un grand lit (on se demande bien pourquoi !), salle de bain avec tout le confort et cuisine pourvue de tout l’équipement ultramoderne mais servant uniquement pour le café du matin. Tout cela pour une seule personne ! Quand on sait la difficulté de trouver aujourd’hui un logement, il y a de quoi s’interroger. D’autant que le nombre de couples qui se séparent au bout de quelques années de vie commune augmente. Bien entendu, chacun veut ensuite son propre appartement. Il faut parfois y loger les enfants en visite hebdomadaire. Il arrive même que l’un ou l’autre des deux protagonistes, sinon les deux, rencontre le nouvel amour de sa vie mais que, échaudé par l’expérience précédente, préfère garder son propre "chez soi". On aura ainsi deux couples qui utiliseront six appartements à eux seuls. Et la pression sur le parc de logements disponibles d’augmenter encore un peu plus. Les responsables ne savent plus où donner de la tête. Plus ils construisent de logements, plus les couples divorcent ou se séparent. C’est une course sans fin. Des tentatives ont vu le jour ici ou là pour inciter les jeunes gens à conserver leur chambre chez leurs parents comme autrefois. Mais un Tanguy mange énormément. Il peut ingurgiter jusqu’à deux beefsteak par jour sans compter les frites, les chips qui laissent des miettes partout et la bouteille de whisky du père qui se vide plus vite qu’il n’en boit. Cette solution ne peut être que de court terme. Certains ont songé à planter des yourtes dans les jardins publics. Il ne faut pas plus d’une journée pour les dresser, pas plus de six mois pour y amener l’électricité et pas plus de deux ans pour obtenir les autorisations administratives. Ceux qui les ont testées disent que leur mode de vie est devenu plus beaucoup ludique, riche en convivialité et magnifiquement giratoire. Mais là aussi, la solution ne peut s’envisager sur le long terme. Certains hivers sont parfois rudes en dépit du réchauffement climatique. Il paraît difficile par ailleurs d’interdire le divorce à tout le monde quand on vient tout juste de l’octroyer aux "couples" homosexuels. Des voix s’élèvent donc pour proposer de construire à la campagne. Mais on y trouve encore quelques paysans accrochés à leur terre ainsi que des vaches et des moutons qui meuglent et bêlent toute la sainte journée en un concert épouvantable pour un citadin. Reste la possibilité de construire en Mongolie, par exemple. La densité de la population n’y est que de 2 habitants au km2 quand elle est de 976 habitants en Ile de France. Mais qui acceptera de vivre toute l’année aussi loin de Paris ? On voit par là que l’organisation du monde est compliquée. Ce qui n’aide pas à le faire tourner rond.
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