Magazine Humeur

Les lascives rondeurs des collines.

Publié le 29 janvier 2014 par Rolandbosquet

rondeurs

   La France des campagnes affectionne les rondeurs lascives de ses collines. Blottis contre leurs hanches généreuses, les villages se souviennent des soirées d’antan où frémissaient les contes délicieusement effrayants venus du fond des âges. Rassemblés dans la tiédeur des braises et baignés de l’âcre odeur des châtaignes grillées, les enfants ricanaient des ronflements de l’ancien engoncé dans son fauteuil de rotin. Le père rentrait en bougonnant contre le mauvais temps, posait ses galoches au coin de la cheminée et mangeait sa soupe avec force grognements de satisfaction.  Mais d’une voix caressante, la mère chuchotait bientôt l’édifiante histoire de ces loups, un peu sots, qui s’enfuyaient dans les bois en glapissant des horreurs à ne pas répéter devant monsieur le curé. Elle murmurait celle de ces vieilles fées aux allures de grand-mères qui veillaient tendrement sur de jolies princesses aux joues roses. Nombre de citadins gardent encore aujourd’hui au cœur cette nostalgie des époques d’autrefois. Dès qu’ils le peuvent, ils s’échappent par troupeaux entiers des raideurs un peu froides de leurs immeubles et de leurs rues pour retrouver, ne serait-ce que quelques heures, le velours de ces douceurs d’enfance. Hélas, les courbes campagnardes si protectrices ne sont plus du tout à la mode. Les volutes appétissantes sont proscrites au profit de lignes désespérément austères, précises, abruptes. Là où se négociaient de chaleureuses rotondités, n’avancent plus que de tristes silhouettes filiformes. Des corps moroses et sombres dont on n’aurait dessiné que le fragile squelette. Et c’est à coup de retouches intempestives que les magazines n’affichent plus désormais que de nostalgiques minceurs anorexiques dignes des famines de jadis. On vient même de libérer un loup qui se tenait encore plus ou moins dérobé dans les bois. Son régime hyper protéiné faisait déjà fureur auprès des abonnées aux sodas et autres sucreries qui se lamentent ensuite devant les formes qui leurs reviennent plus généreuses encore.  La médecine était la dernière barrière avant les plaines sauvages du n’importe quoi. Elle est franchie. Les Trajan avancent leurs pelleteuses mécaniques. Les Tartufe glissent de pudiques voiles sur ces contours que l’on ne saurait voir. Arasez-moi ces mamelons ! Bannissez leurs chauds replis !  Nos gouvernants eux-mêmes se mettent au goût du jour. Ils plaçaient hier encore leurs espérances en des diagrammes qui s’inclineraient, en des rebonds aux galbes sinueux, en des virages aux boucles divinement cambrées. Mais les statistiques sont désespérément plates. Point de méandres subtilement cintrés. Point d’arrondis incurvés sinon dans le mauvais sens ! Ils discernent alors dorénavant des paraboles qui s’infléchiraient en des arches délicatement horizontales ! C’est le replat qui annonce l’inversion des chiffres, disent-ils ! Et de nous conter la merveilleuse légende de lendemains adroitement chantournés. Ce n’est qu’une question de jours ! Que dis-je ? Une simple question de mois ! Disons, un an ou deux ! Hier, on devait raser "gratis". Aujourd’hui on rase tout ce qui dépasse. On voit par là que l’absence de courbes n’aide guère le monde à tourner droit.

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