Ça commençait bien pourtant. Cela fait combien de temps que vous n’avez pas entendu de poésie dans les médias audiovisuels ? Des siècles, n’est-ce pas ?
Ça remonte à une époque où la radio et la télévision n’existaient pas encore, dans des temps oubliés dans lesquels l’esthétique des tournures de phrases comptait davantage que leur impact « top of mind » sur le cerveau disponible, ou leur faculté à attirer en masse les annonceurs publicitaires.
Or, aujourd’hui, à une heure de grande écoute sur une grande radio, lors du flash d’informations, le journaliste intitula sa brève : « Les détrousseurs de l’aube ».
Comme cette mélodie fut douce et jolie pour mes tympans.
J’imaginai, spontanément, un collectif de peintres saisissant la lumière naissante, improbable, les lueurs timides et conquérantes, celles qui s’engouffrent par fragments dans l’épaisseur de l’obscurité.
Je me représentai instantanément des fantômes de la nuit dérobant au passage un rai de lumière de Lune, subtilisant des poussières d’étoiles.
Merci, Monsieur le journaliste, d’avoir transgressé les codes de votre métier pour nous déclamer cette poésie impromptue.
Le flash d’infos se poursuivit. « Le gang des détrousseurs de l’aube a été arrêté. » Ah ! Fin du lyrisme post-stellaire, on redescend sur Terre, dans le métro parisien.
Dans les faits, un groupe bien organisé, bien éveillé ajouterai-je, avait pris pour cible toutes les personnes endormies sur les quais et dans les rames, ceux qui avaient abusé d’alcool, de danse, de fatigue et peut-être un petit pétard ?
Les malfrats s’assuraient au préalable que leurs victimes étaient plongées dans un coma éthylique pour les soulager sans violence de leurs porte-monnaie et de leurs divers objets de valeur.
Dormez, braves gens…, car pendant que le Marchand de Sable s’est occupé de vous sans réellement forcer son talent, son âme damnée, le Détrousseur de l’Aube, prend le relais…