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Allan Beffroi 1

Publié le 19 février 2014 par Yannbourven
      ...Beffroi dans Paris en pleine Réalité-jour, Allan Beffroi de mauvaise humeur : debout lève-toi, qu'est-ce que j'ai encore fait cette nuit, me rappelle plus d'la fin. Il se met à boire un litre de flotte et le dégueule dans l'évier, il faut ABSOLUMENT fuir ces murs jaunis sur lesquels sont projetés ces rêves sordides et tendus qui se succèdent ! (Chevaliers décomposés se changeant en tourbillons de cendres rouges dans ces impasses d'ordures où l'on se rue tout seul et non armé, où l'on côtoie des enfants-monstres &de petites ombres sans dents qui se font défoncer par des cyclopes à la langue bien pendue) Ces rêves qui m'ont cousu les paupières ! Satané studio en lambeaux, satané tombeau profané par mon double en transe et merde habille-toi, voilà ! Et sors d'ici, c'est ça : la tête d'Allan Beffroi en mauvaise descente : une tête plissée surplombant un corps grelottant et courbaturé, un corps-athée bordant des terrasses fermées et embuées sous ce ciel lourd (pourtant pourvu de spectres magnifiques) mais honni par l'hiver, saison sans la moindre nuit (salvatrice), saison qui n'est ni plus ni moins qu'un Jour Figé, toujours le même genre de jour, tu te vois, toi, immergé dans ce fatras de choses froides et souillées par le superficiel, regarde-toi parmi les morts-vivants : rien n'est détruit, tout est en place, la torture cérébrale tourne à plein régime, ou « lavage de cerveau » si vous préférez, xǐ nǎo, du temps de Mao on disait Grande Rééducation (Des Masses Laborieuses), aujourd'hui le flibanquier n'utilise plus ce terme, un brin tabou dans cette société tragilibérale, mais nous sommes quand même une bonne masse de losers, se dit Allan Beffroi, bavant-trimant-vieillissant à même la Rééducation par la Surconsommation, torturés comme des justines alocooliques à la peau craquelée, se dit-il en soufflant de la fumée tiède assis à la terrasse du Marquis de Sade dans la rue Biot, près de la place de Clichy, même si contrairement à quelque illustre ancêtre il ne se pose pas là pour finalement se lever afin de s'enrôler dans l'armée, ha non lui il commande juste un double expresso très onéreux, enfoirés de putes, mais c'est ma faute tout ça : travaille plus ! gagne plus ! vole plus ! ou apprends à aimer galérer, mais fais un choix, je t'en prie, Allan Beffroi ! (quelle joie de ne pas avoir de fric lorsque tu vis dans une ville comme Paris) Il a la tête becquetée par des piranhas translucides ( la veille, il a fait un extra dans une brasserie rue de Belleville, le boss l'appelle régulièrement, puis il a rejoint des potes et ils se sont rendus, braillant buvant fumant, dans une soirée techno minimale au squat que l'on nomme « 2A » près de Saint-Denis ), vieille tête dont les cervicales craquent en cadence devant des passants qui toussent des insultes anti-système, des passants qui restent tout de même un peu trop voûtés et résignés pour être honnêtes, que de la gueule, putes ! Tête cassée d'Allan, couché sévère à 9h du mat, cuit, comme le rat vociférant qu'il est, j'ai bien fait d'avoir programmé l'alarme de mon portable, j'aurais loupé mon extra de dix-sept heures sinon, déjà que je manque de cash, claque tout dans la drogue et la vodka, c'est ça, continue pauvre trou du cul... et laisse-toi berner par ces rêves sordides qui se succèdent : aurais-je les paupières cousues, je ne me vois pas dans cette vitre, Double en transe, es-tu là ? Je r'pense à ces Rêves sordides projetés sur les murs jaunis de mon satané studio en lambeaux, satané tombeau profané par mon double en transe (bis !) Lorsque que l'on est immergé en pleine Réalité-jour on a souvent tendance à user et abuser de la Sainte Victimisation, horreur absolue, ou véritable statut social, c'est au choix, reprends-toi Allan Beffroi, je ne suis pas une saloperie de victime, petite merde perdue, volontairement, toujours vivant, cette vie de chien ne s'arrêtera pas, cette ville-chienne non plus, si elle pouvait se figer le temps d'une journée, cette ville, il la dépouillerait de tous ses trésors : statues, bijoux, billets de banque et les cambrures de ces fameuses petites Parisiennes délurées ! Une saloperie de victime comme lui pourrait très bien se dire : j'ai le temps de ne rien faire, si j'ai le temps mais je fous rien, des projets, envie de scénariser des mouvements et des flux de personnages en torrents, mais rien, animal à la ramasse, faudrait lécher la vie, je parle de vraie vie, boire les cauchemars, retranscrire la beauté planquée dans ces décors en carton-pâte, mais je reste moitié zombie scotché devant ce bus klaxonnant, ce café refroidi, ce serveur-pingouin bête à bouffer du foin, faudrait remonter chez moi, prendre le temps, essayer d'écrire, non, hein, alors ? Je sais ce qu'il faudrait faire : destruction totale de la Réalité-jour, puis atteindre l'autre rive : l'ultime accident, le monde oublié, le pays truffé de rêves organiques, de taules froissées et d'Ombres perverses, cette société éclairée par la Lune avorteuse, ce territoire infini : la Réalité-nuit !

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