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Le paysan tient salon.

Publié le 25 février 2014 par Rolandbosquet

Salon_paysan

   Comme chaque année, la "plus grande ferme de France" tient salon à Paris. Journaux et télévisions sortent leurs marronniers de saison. Veaux, vaches, cochons, couvées et hommes politiques s’exposent devant les yeux ébahis des enfants. Ils découvrent avec étonnement que le lait ne sort pas de la bouteille de plastique, le steak haché de la boite en polystyrène blistérisée et la bonne parole de la bouche du politicien. Les élèves de CM2 qui étudient le Moyen-âge se disent que, tout compte fait, peu de choses ont changé depuis : les jeunes veaux tètent leur mère, les vaches paissent dans les champs, les cochons fouillent leur bauge et les poussins sortent des œufs. Quand ils en arriveront à la Troisième République et sa faune politicienne, ils comprendront que, là encore, le monde est resté identique. Le spectacle est trompeur. Si le paysan est resté lui-même et travaille toujours autant, il devait jadis une partie de sa récolte au seigneur ; c’est aujourd’hui l’inverse. Il attend avec impatience les primes de Bruxelles, les subventions de l’État et le chèque de la Coopérative. Il est passé de la houe et l’araire aux moissonneuses batteuses et au GPS, mais il peine encore bien souvent à conserver son compte bancaire créditeur. À la merci du mauvais temps, de la taille et de la corvée, le vilain travaillait dur et vivait dans la misère. Même s’il utilise un téléphone portable comme tout un chacun, l’agriculteur est de nos jours tout aussi tributaire des risques climatiques mais s’y s’ajoutent à présent les aléas spéculatifs. Bon an mal an, le croquant parvenait à nourrir la population. La Grande Distribution oppose désormais à l’exploitant agricole les melons du Maroc, les haricots verts d’Afrique du Sud, le blé d’Europe de l’Est et les bœufs d’Argentine. C’est que le nombre de bouches à nourrir s’est multiplié par six depuis le XIVème siècle. Et des bouches toujours plus gourmandes. Elles exigent des fraises pour le jour de l’an, du beurre sans acides gras,  des petits pois bien ronds et des yaourts sans colorants !  Les surfaces cultivables, qui ont certes augmenté au détriment de la forêt, n’en dépassent pas pour autant les frontières et les travailleurs de la terre, qui ne représentent plus que 2% de la population, n’ont toujours que deux bras chacun. Lorsqu’il entrera en sixième, le collégien apprendra que tout n’est pas négatif. Grâce à la Révolution, le clergé ne prélève plus sa dîme. Grâce aux écologistes, une belle économie est possible sur les pesticides, les engrais et autres fertilisants. Et grâce à la camionnette, il n’est plus indispensable d’atteler sa vache à la charrette pour aller vendre sa production au marché. Je crois également qu’il serait bon d’apprendre à ces petits parisiens qui déambulent cette semaine dans les allées du salon de l’agriculture, à faire la part des choses. Les créatures qui vont de stand en stand pour goûter au saucisson d’Auvergne ou au vin blanc des coteaux du Layon et qui  caressent au passage le cul des vaches et les joues des enfants au milieu d’une nuée de caméras sont d’une race bien particulière. On ne les sort qu’en de rares occasions telles que les foires agricoles, les conférences de presse et les marchés de quartier du samedi matin les veilles d’élections. Le reste du temps, elles sont remisées dans leur étable à gradins où elles tiennent des discours et brassent du vent. Les enfants comprendront par là combien il leur faudra travailler dur à l’école. Parce qu’ils ne devront guère compter que sur eux-mêmes pour faire tourner le monde un peu moins de guingois.

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