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Lignes de la main

Publié le 27 février 2014 par Rolandbosquet

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   Réunion du cercle des vieux gamins du Céladon chez nos amis Jacques, dit le Hibou, et son épouse Sophie. (La chronique du vieux bougon du 19 janvier 2012 : Le cercle des vieux gamins). Ils ont tenu à nous réunir avant de repartir pour l’Australie et la ville de Melbourne où ils doivent accrocher aux cimaises d’une galerie de bon renom les dernières "vouivres" de Sophie. Charlotte, une amie de nos hôtes en provenance d’Australie et à laquelle ils offrent le gîte, se joint à nous. Les violents incendies  du début de l’année ont ravagé ses Monts Grampians situés à deux heures d’avion de Melbourne et détruit une grande partie de sa vaste propriété. C’est  l’esprit tout chamboulé qu’elle est venue chercher un peu de sérénité dans nos régions tempérées. Le cheveu court, l’œil vif, la mâchoire carrée, des épaules de déménageur, une taille de rugbyman néozélandais et des mains de vieux paysan normand, elle tient le verbe haut et le rire tonitruant. Elle n’en montre pas moins une rare délicatesse dans ses gestes comme dans ses idées et s’exprime dans un français légèrement suranné qui semble tout droit sorti d’une pièce de Racine. Ce charme inégalable ajoute à son pittoresque et ne manque pas de retenir l’attention. Elle le sait et en use avec humour. Elle nous rapporte ainsi, à grand renfort d’envolées lyriques, les légendes que lui ont contées les anciens de la tribu aborigène qui vit près de chez elle, au pied de ces montagnes qu’ils nomment Gariwed. Elle vante leurs liens étroits avec la nature, leur connaissance intime des plantes qui nourrissent, qui soignent et qui, surtout, aident à vivre en  harmonie avec l’environnement. Elle en vient bientôt à nous dévoiler son goût pour la divination. Une vieille femme d’un village peu éloigné de sa ferme lui aurait enseigné l’art de la prédiction à partir des lignes de la main ! Chacun de solliciter avec enthousiasme une consultation. Qui n’a jamais souhaité connaître son lendemain ? Lorsque vient mon tour, elle reste un long moment dubitative. Comme si le drame de ma vie était éparpillé en de si innombrables chemins qu’elle ne parvenait pas à en cerner les contours. Puis elle rejette ma main droite, totalement inexpressive selon elle et conserve précieusement la gauche entre ses doigts. Pour l’instant, finit-elle par avouer après l’avoir pétrie comme un boulanger prépare sa pâte, vous pouvez dormir en paix comme un koala sur sa branche d’eucalyptus. Rien de spécial pour les semaines à venir. Mais là, vous voyez, ces deux bourrelets qui semblent vouloir s’envoler ? Ils annoncent un souci de santé ! Je ris, bien sûr. Je me porte on ne peut mieux au vu de l’avancée des ans et rien ne laisse présager une quelconque altération. Mais notre hôtesse nous invite à boire le café au salon. Montre-moi ta main, m’intime le Carabin tandis que nous la suivons. Il effleure du doigt les deux bourrelets en question, bougonne dans son plastron, marmonne entre ses dents et ajoute : là, tu vois ? C’est le signe de la maladie de Dupuytren. Il faudra m’enlever çà ! On voit par là que le monde des ancêtres n’est pas, tout compte fait, si éloigné du nôtre et qu’il pourrait sans doute l’aider à tourner un peu moins de guingois.

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