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Sous le voile

Publié le 05 mars 2014 par Jlk

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Notes en chemin (106)

Les amants de Minuit. - Le grand navire Night tout blanc du Bonheur International reposait sur le flanc, dans mon rêve de minuit, lorsque le premier gémissement, qui m'a d'abord semblé de douleur, m'est parvenu de la chambre d'à côté, assez lancinant pour me réveiller, bientôt suivi de toute une suite de soupirs de croissante intensité modulant les vagues de plus en plus débridées de la plus réjouissante volupté, me rappelant alors, dans le film Padre Padrone des frères Taviani, la saisissante séquence nocturne durant laquelle, du haut des montagnes et de loin en loin, on entend exulter la même jouissance collective des femmes...

Pure beauté. - Or, m'étant levé ce matin bien dispos, sous le ciel bleu de Tunisie, je resongeais à ce concert nocturne quand, du seuil de ma chambre, je vis surgir, de celle d'à côté, une silhouette voilée de noir de la tête au pied, suivie d'un très grand jeune homme beau de visage et le regard sombrement doux, le type même du salafiste à longue barbe de soie floche et robe grise.

Cependant une plus grande surprise m'attendait, quelques instants plus tard, dans la vaste salle du petit-dèje "à l'arabe" où se pressait tout un monde de vieux enturbannés aux femmes pieusement voilées - on me parla d'une communauté religieuse algérienne de passage -, lorsque je surpris, derrière une colonne, le visage absolument découvert, ma soupirante de la nuit sirotant son café. Alors là le choc: la grâce, sans rien de soumis ni d'humilié d'apparence, le rayonnement de la pure beauté juvénile.

Un autre regard. - En bonne logique occidentale ou "moderniste", surtout après ce que je savais des conflits liés au voile intégral, j'aurais dû, alors, ce matin-là, trouver un argument de plus contre ce fameux niqab, voilant en l'occurrence une telle merveille. Et puis non, curieusement, peut-être aussi me rappelant les ébats nocturnes de ces deux jeunes gens, je me dis qu'en somme, en dépit de cette irruption involontaire dans leur sphère intime,  je ne savais rien d'eux, de leur vie, de leur monde; que je n'étais ici qu'un passant - un "étranger" comme tant de regards me le rappelaient à tout instant -, et toute envie d'en juger me parut alors dérisoire...    

        


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