Crise de régime

   Les instituts sont formels. La presse s’en fait régulièrement l’écho. La France traverse une véritable crise de régime. Certes, le nombre des actifs diminue. La popularité du Président également. Celle du gouvernement et de ses soutiens aussi. La balance des paiements affiche avec constance un solde négatif. Les ménages réduisent leur consommation. En un mot, comme pour répondre aux vœux des écologistes, nous approchons de plus en plus près de la mythique croissance zéro.  Pourtant, les plus hautes sommités de la faculté ne cessent de lancer leur cri d’alarme. La France traverse une véritable crise de régime. Comment a-t-on pu en arriver là ? Certains accusent l’inconstance du citoyen qui veut toujours tout et son contraire. D’autres montrent du doigt l’attitude inexcusable du contribuable qui, las de s’acquitter de sa contribution volontaire à l’effort collectif, se jetterait sur la première friandise venue. D’autres enfin incriminent les pays étrangers. La Chine coupable de vouloir toujours mieux nourrir ses innombrables Chinois. L’Amérique du sud qui brade ses bœufs à bon marché. L’Afrique du sud qui exporte toujours plus de fraises et de maïs à popcorn. Les Européens de l’Est qui profitent du Marché Commun pour inonder nos étals. La chasse au bouc-émissaire est facile et, surtout, contreproductive. C’est pourquoi, avec un grand sens de l’intérêt général et avec le souci de soutenir au mieux le Pacte Présidentiel de Responsabilité, (le PPR !) une grande campagne vient d’être lancée. Des pages entières de magazines y sont consacrées, des encarts dans les quotidiens, des affiches sur les murs et les transports en commun, des "spots"  à la télévision et dans les salles de cinéma, des forums sur internet et les réseaux sociaux. Face à l’enjeu, tout sera mis en œuvre pour que la ménagère de moins de cinquante ans et la nation tout entière atteignent leurs objectifs. Toutes les études sérieuses l’ont en effet démontré. Quelque soit le régime adopté, il faut non seulement le poursuivre aussi longtemps que nécessaire mais il convient  tout autant de ne pas reprendre ses mauvaises habitudes. Or, après quelques semaines de luttes intensives, nombre de candidates et de candidats ont tendance à ne perdre que leur combativité. Soit ils ne sont parvenus à aucun résultat probant et ils se découragent. Soit malgré leurs trois à cinq kilos disparus, ils arrêtent là leur bataille, littéralement épuisés ainsi que leur entourage par les difficultés. Toutes les expériences prouvent que pour faire pâlir le spectre si angoissant des bourrelets incongrus exposés sur la plage, il faut impérativement poursuivre un régime jusqu’à son terme. Nos experts en marketing et autres publicitaires parviendront-ils à convaincre les sceptiques et à inverser la tendance actuelle ? Une nouvelle encourageante nous est apportée par les journaux télévisés. Le territoire de la France a, quant à lui, déjà perdu entre cinq à dix mètres le long des côtes atlantiques grâce aux coups de butoir des tempêtes et des marées. Tout espoir n’est donc pas vain. On voit par là qu’avec de l’opiniâtreté et en dépit de ses innombrables convulsions, le monde pourrait, lui aussi, tourner un peu moins de guingois.

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