On n’attrape pas un crocodile en le chatouillant ! Nul doute que cet homme politique avait ce proverbe bantou en tête lorsque, du haut de l’estrade, il proférait d’une voix assurée la pire sottise de l’histoire de la démocratie : « Il faut démondialiser ! » Il aurait pu jeter son dévolu sur le canton ou le département. La mode est à leur suppression. Il aurait pu prendre le problème à bras le corps et pousser son raisonnement jusqu’au bout. Il aurait pu appeler à désuniveriser l’espace intersidéral qui entoure notre galaxie. Quel ultime obstacle l’en a dissuadé ? Nul ne le saura peut-être jamais. Le fait est qu’il a choisi, en dépit de toute raison, de démondialiser le monde. C’est qu’il lui fallait sortir du flou fort peu artistique où se complaisait son principal concurrent. Il lui fallait être vu et entendu. Il lui fallait briller et il était prêt à tout pour y parvenir. Or, non seulement il n’était pas vraiment original, ses congénères hésitent rarement à se comporter ainsi, mais il ne l’était pas non plus au regard de la faune en général. Il n’était guère différent en tout état de cause de cette anguille à la peau légèrement bleutée le jour et d’un beau vert fluorescent la nuit. Des chercheurs sachant nager en ont fait récemment l’expérience au large des Iles Bahamas. Raies, roussettes, rascasses et autres d’espèces de poissons leurs ont dévoilé d’étonnants reflets. À l’instar de notre politicien, ils chercheraient ainsi à communiquer. Je sors mon chatoyant costume jaune pour séduire les femelles à l’époque des amours. Je revêts mon horrible smoking vert pour dissuader mes concurrents d’approcher de trop près de mon harem. On n’attrape pas un crocodile en le chatouillant ! Lorsque l’on veut parvenir à ses fins, il faut oublier le fameux principe de précaution et se donner les moyens de ses ambitions. On dit parfois de certains politiciens qu’ils retournent leur veste. C’est bien à tord que l’expression exhale un parfum de mépris. On devrait se montrer admiratif au contraire devant tant de sens pratique. Comme pour la faune corallienne, il s’agit uniquement de tactique. Contre cette roche au beau rouge publicitaire digne des plus célèbres fragrances, la teinte pourpre des écailles du carrelet passera inaperçue. Ainsi, le politicien se glisse-t-il dans son treillis kaki lorsque la vogue est de crier au loup pour défendre les bergers de moyenne montagne. Et si demain la faveur va à la défense de la diversitude écologique, il criera haro sur les chasseurs affublé d’une sémillante parure de charmilles. La fermeté des convictions est une chose, la variété de leurs expressions une autre. On n’attrape pas un crocodile en le chatouillant. Gary Campbell, l’un des plus fervents soutiens du monstre du loch Ness est inquiet. La bête n’a donné aucun signe de vie depuis dix huit mois. Lui et les membres du Fan Club du célèbre plésiosaure devraient explorer son aquarium de nuit afin de vérifier si sa peau visqueuse de serpent aquatique ne jetterait pas par hasard des irisations fluorescentes qui permettraient de l’identifier formellement. On pourrait d’ailleurs sélectionner de cette manière nos prochains élus. Plongés dans l’ombre de la salle du conseil, on ne pourrait plus dire qu’ils ne sont vraiment pas des lumières ! On voit par là qu’un monde qui brille de mille facettes est plus lumineux que jamais. Mais en tourne-t-il plus rond pour autant ? Là, c’est une autre histoire.
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