Les découvreurs de la fresque des danseuses de Jabbaren dans le Tassili n’Ajjer remontant à près de 6000 ans avant notre ère ne manquèrent pas d’être étonnés par la qualité du trait, sa puissance et sa légèreté. Outre la grâce naturelle des modèles, ils remarquèrent par ailleurs qu’ils étaient pour certains pudiquement revêtus d’un pagne. Un certain malaise, cependant, ne put les quitter. Comme lorsqu’un détail manque. Peut-être est-il insignifiant mais son absence brouille malgré tout une bonne compréhension du sujet. Semblable sentiment devait troubler les archéologues qui examinèrent la dépouille d’Ötzi, le fameux homme des neiges européen. Il portait pour seuls vêtements un pagne en peau de chèvre maintenu par une ceinture en peau de veau, une grande veste en cuir de chamois et de bouquetin, des jambières attachées à la ceinture par des jarretelles, une cape en fibres végétales tressées et un bonnet de fourrure en peau d'ours. Là encore, il manquait un élément important sinon même crucial dans cette énumération. Mais ils ne parvenaient pas à l’identifier. La communauté scientifique internationale en serait sans doute venue un jour à désigner un expert pour mener l’enquête et résoudre cette énigme d’autant plus importante que la victime avait été retrouvée au cœur des Alpes, à 3210 mètres d’altitude dans le glacier de Hauslabjoch. Mais le fils cadet de l’un des stagiaires en faction devant le corps de cet ancêtre de monsieur Perrichon devait éclaircir le mystère. « Il n’a pas ses chaussettes ! » On s’alarma. On reprit la liste des hardes qui habillaient le pauvre hère. On pointa, on cocha, on vérifia. Rien n’y fit. Tous les éléments avaient été correctement répertoriés. Il fallut se rendre à l’évidence. Ötzi ne portait pas de chaussettes en dépit du froid, du vent et de la neige qui allait l’ensevelir. Quand on sait l’importance de la chaussette dans l’isolation olfactive du pied, l’éducation du jeune chiot et la vie de couple de ses maîtres, il y avait de quoi être étonné. En fait, cette absence est tout à fait logique. Les historiens ne relèvent la première mention de chaussettes que 2000 ans avant JC dans l’actuelle Syrie, soit 1300 ans après notre homme. La chaussette devait par la suite connaître des fortunes diverses. Les premiers tissus en maille firent leur apparition 1500 ans av. JC dans le Jutland et tout au long du Moyen-Age, les bas ne constituèrent qu’un seul vêtement avec la culotte. Il faut attendre le quinzième siècle pour que le bas se désolidarise du haut et enveloppe le pied et la jambe jusqu’au genou. La chaussette de laine connaîtra en réalité son apogée lors de la première guerre mondiale. Des cohortes de tricoteuses s’armeront en effet de leurs aiguilles pour approvisionner les poilus pataugeant dans la boue des tranchées en chaudes protections. Ce sera sans aucun doute l’un des aspects les plus ignorés par les cérémonies de commémoration qui pullulent actuellement de par le territoire. L’abnégation de ces femmes assises dans l’âtre à longueur de soirée pour tricoter les précieuses cuirasses n’en mérite pas moins d’être reconnue. Elles faisaient non seulement preuve d’un grand courage mais elles montraient surtout un bon sens et un amour de leurs hommes qui manquaient alors cruellement dans les États-Majors. On voit par là qu’avec des gestes simples l’homme et plus souvent encore la femme peuvent aider le monde à tourner un peu moins de guingois.
Suivre les chroniques du vieux bougon en s’abonnant à newsletter
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 06 mai à 16:13
Tricoter des pulls, des vêtements été une activité qui a datait depuis pas mal de siècle. avant, c'est une activité qui rapporte beaucoup mais aujourd'hui avec la mondialisation et l'industrialisation, les artisans non pas leur place dans ce monde. Voire en ligne : http://www.fax-mailing.pro