Le chien et le caméléon étaient des voisins, mais ils n’avaient pas le même train de vie. Chez le chien, toute la famille était heureuse. De sa cuisine, montait toujours un arôme enivrant qui se répandait dans tout le village. Les enfants du caméléon portaient alors leur regard sur le toit de la villa cossu du maître de lieu d’où s’échappait une fumée bleuâtre. Tous voulaient être à la place des enfants du chien vigoureux et pétillant de santé. Par contre, chez le caméléon, c’était la misère. La famille se nourrissait toujours de légumes plantés au coin de la parcelle, ce qui ne faisait nullement plaisir à sa femme. « Regarde ton ami, chien ! » lui disait-elle souvent « lui au moins, il sait comment entretenir sa femme et soigner ses enfants. Chez lui, on mange toujours bien. Pourquoi ne lui demandes-tu pas ce qu’il fait pour bien nourrir toute sa famille ? »
C’était chaque fois la même rengaine « Chez le chien, on mange bien…Chez le chien, on mange bien,,, » Un jour, n’en pouvant plus, le caméléon prit son courage entre les deux mains et traversa la clôture qui séparait sa maison de celle du chien. Celui-ci l’accueillit avec joie : Salut, mon ami ; quel bon vent t’amène? »
Ils causèrent de tout et de rien. Vint enfin le moment de la séparation. Le caméléon se dit qu’il fallait donc poser son problème. « Mon cher ami », commença-t-il « Voici l’objet de ma visite. J’aimerais que tu me dises comment tu fais pour nourrir ta famille. En effet, de ta cuisine se dégagent toujours de bonnes odeurs et on sait voir que tes enfants et ta femme sont toujours heureux et en bonne santé » Le chien regarda calmement son ami et lui demanda en guise de réponse : « Est-ce que tu es vraiment courageux pour accepter ce que j’endure pour nourrir ma famille ? ». Le caméléon s’empressa de répondre : « Je ferai tout ce qui est dans mon pouvoir pour subvenir aux besoins de ma famille. C’est mon devoir ». Finalement, le chien lui demanda de revenir le voir le lendemain matin.
Le jour suivant, le caméléon se présenta de bonne heure chez le chien. « Je sors maintenant », lui dit le chien. « Si tu veux, accompagne-moi pour voir comment je trouve de la nourriture pour ma famille ! » Les deux compères se mirent en route.
Ils traversèrent des brousses et des forêts et arrivèrent à l’entrée d’un petit village où vivaient les humains. Le chien dit à son ami : « cache-toi ici et observe bien comment je travaille pour avoir la nourriture pour ma famille. Si tu en es capable, tu pourras le faire, toi aussi »
Le chien laissa son ami caché à son poste d’observation et prit le chemin conduisant au village. Il se fit plus discret, longeant les clôtures des cases pour passer inaperçu. Devant une case, une fillette jouait en dessous d’un arbre. Voyant le chien approcher de leur case, elle cria à son père : « Papa, voilà le chien qui avait emporté notre poule hier ! » Le père sortit rapidement de la case, s’empara du pilon qui gisait au beau milieu de la cour et le lança énergiquement sur le dos du pauvre chien. Dans un geste désespéré, le chien tenta d’esquiver le coup, mais reçut le pilon sur le dos. Il hurla de douleur et s’enfuit du mieux qu’il put en forêt. « Petit voleur, je t’aurai un de ces quatre matins, si tu continues à errer ici pour voler mes poules » lui lança l’homme en courant après lui. Tout se passa sous l’œil observateur de son voisin, le caméléon.
Le voyage retour se fit dans un silence total. Le caméléon voyait du coin de l’œil comment son ami marchait difficilement en traînant les pattes. Ce dernier fit de son mieux pour ne pas faire apparaître les douleurs qu’il éprouvait au niveau de son dos.
Lorsqu’ils arrivèrent devant la maison du chien, ce dernier demanda à son voisin : « Es-tu prêt à m’accompagner demain ? » Le caméléon n’eut même pas le temps de réfléchir deux fois avant de donner sa réponse : « Non mon ami ! Ce que j’ai vu là est trop fort. Je me demande si j’aurais survécu à ce coup de pilon. Vraiment, les humains sont méchants ! » Il poursuivit sa route jusque chez lui.
Après s’être reposé, il raconta à sa femme ce qui était arrivé au chien et conclut en ces termes : « Nous devons nous contenter de ce que nous avons. Je ne suis pas prêt à mettre ma vie en péril comme le chien»
Moralité : Mukaji wa badia-dia, badia-dia wakafuisha bayende muitu. La femme envieuse fit mourir son mari en forêt.
Lumbamba Kanyiki
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