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T’inquiète pas Manu, la gauche vivra plus longtemps que toi

Publié le 16 juin 2014 par Legraoully @LeGraoullyOff

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Pour une fois, Manuel Valls nous a annoncé une nouvelle qu’elle est bonne. El matador de la izquierda a décrété que si l’on y prenait pas garde, la gauche allait mourir et Marine Le Pen serait présidente de la République. Il faut pardonner au pauvre camarade Valls qui est de droite et qui n’a aucune idée de ce qu’est la gauche. En fait, il voulait dire que le PS risque de mourir, ce dont je me bats les flancs à m’en rougir le derme, l’épiderme et tous les bas morceaux.

La gauche la plus jolie, pas celle qui se range sous la bannière d’un parti rose, rouge ou vert, mais celle qui discute, qui bataille, qui arpente le pavé, qui milite en rigolant des gueules de raie du PS et du reste de la droite, celle qui manie l’ironie et  frétille du neurone créatif, m’a plutôt l’air de bien se porter.

Tiens, la semaine dernière, j’étais à Madrid: voilà un patelin qui n’a pas oublié d’être politique. Dans le barrio populaire de Lavapies, des bars arborent fièrement l’étiquette « Lavapies Antifa » sur leur porte d’entrée. La CNT dispose d’une jolie terrasse où elle déploie fièrement son étendard tout en rappelant aux électeurs quelle bande de pigeons ils sont (bien que le pigeon, moins con que l’Homme, ne vote pas et laisse ses congénères migrer comme ça leur chante). J’ai dénombré trois librairies anars pur sucre, (dont l’excellente La Mala Testa, pour les hispanophones), des tags féministes à foison, et j’ai assisté à une manif qui demandait la tête de Juan Carlos et de tout ce qui est susceptible d’avoir du sang bleu. Motif: la monarchie contrevient à la déclaration universelle des Droits de l’Homme (toujours rien pour la Femme, les transgenres et les bêtes car la gauche n’est point encore parfaite) qui dispose que chaque citoyen doit avoir les mêmes chances d’accéder aux charges publiques et que la loi est la même pour tous; par ailleurs, les avatars des mésalliances entre Bourbons coûtent cher à la collectivité au regard de leur utilité sociale, la moitié de la famille trempe dans des affaires louches, et en plus ce vieux dégueulasse de Jean-Charles se paie des safaris privés pour fusiller des animaux sauvages. Les drapeaux républicains rouge-jaunes-violets fleurissaient sur les balcons comme les pustules sur la tronche d’un ado, et les quelques royalistes qui s’aventuraient dans le coin n’avaient pas grand-chose à opposer si ce n’est une légère crainte du retour de Franco. Mais contrairement à Jean-Marie Le Pen, le caudillo a eu la bonne idée de mourir. L’argument pèse donc autant que la pensée de Patrice Evra dans l’histoire de la linguistique comparative.

Revenons de notre côté des Pyrénées, sinon ça va finir en soirée diapos. En général, l’arrivée des premiers rayons de soleil coïncide avec l’application de vaseline législative sur la rondelle de l’électeur moyen. Tu pars entretenir tes mélanomes au bord de la plage, le fourbe parlementaire et le ministre matois en profitent pour te dilater comme dans un gonzo biélorusse, mais tu n’as rien senti, c’étaient les vacances-j’oublie-tout. Or, qu’observe t-on?

La Marche des Fiertés fut l’une des plus politiques de tous les temps, bien échaudée par les coincés du cul de la Manif pour Tous. Les manifestations des divers mouvements anti-corrida, végétariens et végan prennent une ampleur inédite. Les cheminots, bien décidés à ne pas l’avoir dans le train, se mobilisent en nombre contre « la gauche Valls » et la réforme ferroviaire. Les intermittents du spectacle se rassemblent eux aussi dans un mouvement sans précédent (à ma connaissance en tout cas, merci de corriger si je me plante) pour protester contre la réforme de l’assurance-chômage qui n’est qu’un prélude à ce qui attend tous les demandeurs d’emploi.

Et il n’y a pas que chez nous. Au Portugal, les manifs anti-austérité se multiplient. Au Brésil, quoi qu’en dise TF1 qui assure que tout va bien pauv’connasse de marquise, la protestation contre l’immense gâchis financier de la Coupe du Monde et contre les pratiques mafieuses de la FIFA ne cessent pas. J’en aurais autant à dire sur celles de la fédération française de foot et les grotesques chantiers de « grands stades », mais on en reparlera une autre fois. Un peu partout dans le monde, on se mobilise pour plus de droits, plus de libertés, moins de place accordée à la thune et à la bourgeoisie de la classe moyenne.

Tous ces mouvements sont certes disparates: certains voudraient que l’État fasse le boulot que Keynes et d’autres lui ont assigné et envoie promener banques, marchés, austérité, gestion comptable du vivant et tout le tremblement. D’autres, plus avisés, commencent à comprendre que l’État la leur fera toujours à l’envers et qu’il ne saurait y avoir de gauche de gouvernement puisque le pouvoir pourrit tout et tout le monde, d’où l’impérieuse nécessité de s’organiser par soi-même si on veut que le boulot soit bien fait (et surtout qu’il y en ait le moins possible).

Reste que contrairement à l’assertion de Manuel Valls, la gauche n’est pas mourante. Elle grouille de vie, elle est nerveuse comme un chihuahua cocaïnomane, et elle en a plein le dos que des escrocs patentés comme Hollande et ses amis fassent semblant d’être de gauche quand ils sont dans l’opposition pour mieux lécher les bottes de leurs maîtres une fois leurs gros culs posés sur les strapontins suprêmes.

Hélas, il est encore un peu tôt pour se réjouir. En effet, les cons aussi sont en pleine forme, et ils sont bien organisés, ce qui est un avantage de leur soumission atavique au plus malin du troupeau. De Valls, qui trouve incompréhensible la lutte sociale contre des projets qu’il va défendre à l’Assemblée, aux connards qui ont laissé pour mort un jeune Rom en Seine St Denis, en passant par ceux qui ont aspergé d’acide un parlementaire autrichien gay, ou par tous les blaireaux impuissants des jeunesses nationalistes/identitaires, on n’a pas fini de se friter pour que notre belle gauche, ludique, créative et vivante, botte le cul de tous ces emmerdeurs.


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