Magazine Humeur

Recommandations à mes ami(e)s privé(e)s d’emploi et qui souhaitent le rester

Publié le 08 juillet 2014 par Legraoully @LeGraoullyOff

images

Cher chômeur, chère chômeuse,

le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en ce moment on pense à toi. François Hollande a fait de la lutte contre le chômage de longue durée sa priorité, et il a promis que si le chômage ne baissait d’ici 2017, il ne se représenterait pas. En son temps, Chirac faisait l’infirmier et se promettait de soigner cette vilaine fracture sociale qui faisait boiter la France et l’empêchait de courir après la croissance. Tu as sûrement eu le temps de l’observer en ces temps de coupe du monde des gens bien payés à faire truc absolument inutile, mais si les sportifs français peinent à gagner un trophée sur le terrain, il est en revanche un titre que personne ne nous enlèvera, c’est celui de l’excuse toute pourrie,  que ce soit un arbitre partial, la topologie du terrain, le calendrier défavorable, etc.  C’est bien simple, les sportifs français sont tellement nuls que parfois c’est des étrangers (de Monaco en l’occurrence) qui gagnent le championnat de France.

En politique c’est pareil. Le chômage, c’est la faute à la crise, à l’Europe, aux Chinois, aux cotisations sociales, au mille-feuille administratif, au fait que Nantes ne soit pas en Bretagne, aux drapeaux algériens dans les rues et au drapeau français dont je me torche (je vous laisse choisir la rime qui vous plaira), au loup qui attaque les innocents moutons, à la mauvaise presse qu’on fait aux centrales nucléaires, à l’arbitre, et en dernière analyse aux chômeurs eux-mêmes qui ne sont que de sales assistés. Bref, tu peux dérouler l’écheveau de responsabilités et faire trois fois le tour du système solaire avec, tu peux coller la moindre parcelle de connaissance du monde dessus et dire « c’est ta faute, c’est ta faute » et tu auras mille fois raison. Mais jamais, au grand jamais, ce ne sera la faute de ceux qui mènent des « politiques de l’emploi » et de ceux qui sont censés créer des emplois. Le parlement vient d’adopter une loi de financement rectificative de la Sécurité Sociale pour y intégrer les réductions de cotisations sociales qui seront accordées sur les petits salaires. Que crois-tu qu’il arrivera?

Si les conditions sont réunies, ce qui arrive à peu près aussi souvent que l’emploi de l’imparfait du subjonctif par Didier Deschamps ou qu’un éclair d’honnêteté de Nicolas Sarkozy, les patrons recruteront des emplois avec un tout petit salaire. Ben tiens, pas folle la guêpe pas con le bourdon, pourquoi payer plus avec tous ces chômeurs qui se bousculent au portillon? En gros, la majorité socialiste (pouf pouf) vient d’entériner le travail discount. Et après, elle viendra s’étonner que la croissance ne revient pas et que le trou de la Sécu est encore plus profond que l’inculture de Christian Estrosi. Et si on veut jouer avec les ordres de grandeur, le trou de la Sécu, eu égard à son budget, évoque à peine une attaque de mite anorexique sur un imperméable, alors que le déficit de l’Etat ressemble à la culotte jamais remplacée d’une miséreuse pas trop portée sur la mode.

Bref, tu l’auras compris chômeur mon ami chômeuse ma chérie, on se fout ouvertement de ta gueule, avec une candeur dans la crapulerie qui confine au déni pathologique. Aussi te proposé-je aujourd’hui quelques conseils tirés de mon expérience personnelle pour te permettre de rendre la monnaie de leur SMIC à ces enfoirés d’esclavagistes qui voudraient te faire quitter le confort de ton foyer pour la laisse et la muselière du salariat, le tout pour à peine 50 euros de plus par mois.

Vois-tu, il y a encore pas très longtemps de ça, j’ai moi-même grossi les rangs des bataillons d’actifs sans occupation de Pôle Emploi. Souventes fois, l’apôtre de la religion civique, qui est  en règle générale un salarié endoctriné par les enfoirés sus-nommés, te gonfle sans trêve pour que tu ailles voter, pour n’importe qui mais fais-le sinon ça va être la fin du monde. Le propos est d’une niaiserie sans nom, mais la technique mérite d’être reprise. N’accepte que des CDD qui te permettront de prolonger tes droits à l’Allocation d’Aide au Retour à l’Emploi. Jamais plus d’un an, sinon tu n’es pas près de voir la couleur d’un congé payé. Le contrat arrivé à échéance, cours t’inscrire à Pôle Emploi pour réclamer ton dû. Ce faisant, tu feras grimper la courbe du chômage et tu contribueras à décrédibiliser le pouvoir en place auprès de ceux qui en ont encore quelque chose à battre. C’est ainsi que je peux me targuer d’avoir contribué à la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012, et je n’en suis pas peu fier.

Le pouvoir est matois. A force de se comporter avec les salariés comme le pire maquereau albanais avec ses malheureuses filles, il a une forte tendance à maquiller à la truelle les chiffres du chômage. Même ta cousine ne met pas autant de fond de teint quand elle sort courir le guilledou dans des lieux interlopes. Aussi, même si tu n’envisages pas de retourner te crever l’esprit et la santé au burlingue avant quelques mois, précise que tu cherches un CDI à temps plein pour bien être dans la liste des chômeurs qui emmerdent le pouvoir.

Tu viens de faire valoir tes droits, et tu goûtes avec délectation aux joies de la grasse matinée, du temps libre et des apéros interminables, quand soudain, horreur, malheur et Nadine Morano en maillot de bain, on t’invite à postuler à une offre dégueulasse sous peine de suspension. Pas de panique: envoie une lettre blindée de fautes d’orthographe et de vocabulaire grivois, mentionne dans ton CV une passion pour les mouvements anti-autoritaires des XIXème et XXème siècles et pour le gobage d’oignon frais. Si tu es une femme, évoque ton désir d’avoir un enfant dans les meilleurs délais. Si hélas, ô rage ô désespoir ô Unedic ennemie, on te convoque quand même, rends-toi à l’entretien pas lavé, pas coiffé, à moitié saoul; et si tu as des origines pas de souche, joue à fond la carte de l’exotisme. Te voilà tranquille jusqu’à la fin de ton droit à l’ARE. Avec un peu de pratique, tu peux tenir ainsi dix ans, et en ne travaillant que cinq ans sur cette période, tu auras droit, au terme de ton ARE, à l’allocation spécifique de solidarité qui te permettra de glander six mois de plus.

Ces conseils, testés et avérés, fonctionnent très bien si tu veux conserver un train de vie de Français moyen, à savoir galérer tous les mois dès le 15. C’est un mode de vie qui nécessite quelques aménagements, mais qui reste parfaitement vivable. Tu perdras peut-être quelques relations sociales, mais en changeant régulièrement de boîte tu te feras de nouveaux amis tous les ans.

Si tu as encore plus d’imagination, voici un conseil supplémentaire. Ne laisse personne te traiter de « demandeur d’emploi ». Tu ne demandes rien du tout, sinon des conditions de vie décentes et suffisamment de temps pour faire ce que tu aimes. Dans ce cas, prends définitivement ta retraite à 25 ans et fais valoir tes droits au RSA. Tu pourras toujours faire usage des conseils précédents quand on te demandera de justifier d’une action d’insertion. Tout le temps que tu ne passeras pas à chercher un emploi stupide dans un secteur d’activité absurde t’appartiendra totalement. Tu bénéficieras de multiples réductions et gratuités dans des activités infiniment plus valorisantes et intéressantes que celles proposées et vantées par la bourgeoisie et son alliée objective la classe moyenne. Tu apprendras où et comment s’organisent les vrais actes de solidarité fondés sur la créativité et la gratuité. Tu verras que le seul intérêt du verbe « avoir » est sa fonction d’auxiliaire pour les gueux qui utilisent le passé composé. Tu seras exonéré des relations aussi hypocrites que serviles du monde du travail. Tu verras d’un œil nouveau les vieilles lunes tristes comme le travail, la famille et la patrie, toutes occupations de gens ternes et sans intérêt.

Et quand le dernier salarié aura perdu sa confiance débile dans le dernier gouvernant, tu sauras lui montrer le chemin vers la glandouille qui est vraiment le genre humain.


Retour à La Une de Logo Paperblog