À notre époque où le principe de précaution est obligatoire (n’est-il pas inscrit dans la Constitution de notre République !) et où il faut toujours un responsable pour tout, la question du vase de Soisson montre que l’Histoire ne fait guère que se répéter. Clovis lui-même, le glorieux chef guerrier qui s’était attaché à la tâche ô combien ardue de créer la France, en avait déjà pleinement conscience. Non seulement son sens inné de l’honnêteté l’incita à restituer le célèbre vase à son légitime propriétaire, mais il eut à cœur de punir le voleur. On ne verrait pas semblable souci aujourd’hui où il est extrêmement rare que les cambrioleurs rendre de leur plein gré les objets dérobés. Ce qui démontre que la morale se dégrade de plus en plus. En réalité, le ciboire puisé par les soudards germains dans le trésor de l’évêque de Reims n’avait sans doute pas la valeur vénale qu’on lui accorde généralement. Aurait-il même trouvé preneur dans l’un de ces innombrables vides-greniers qui animent en ces jours d’estive les places de nos villages ? L’important n’était pas tant l’objet lui-même que ce qu’il contenait. Comme tout bon journaliste, Grégoire de Tours, qui rapporte l’anecdote dans son Histoire des Francs, livre II chapitre 27, ne relate que les faits tels que les arrières-arrières petits-enfants des témoins l’auraient contée. On ne saurait donc lui reprocher la sécheresse de son récit. Gaston Bonheur disposait, quant à lui, de plusieurs siècles d’Histoire derrière lui. Il en a rempli le fameux récipient dans son ouvrage "Qui a cassé le vase de Soisson ?". Nous retrouvons ainsi les décors et les parfums de nos écoles communales des années cinquante, le tableau noir et son odeur de craie, les cartes de France pendues au mur et la terrible badine dont le maître s’armait pour la séance de calcul mental. Sa relecture est un plaisir qu’on ne saurait se refuser soixante ans après.