La lune du Max Planck Institut

   La lune, actuellement en trajectoire descendante et en phase décroissante, entre aujourd’hui dans la constellation du taureau. Seule sa moitié de gauche illuminera le ciel des courtils de France la nuit prochaine, sauf si des nuages malveillants venus des plaines orientales ne s’interposent, bien entendu. Tout ou presque est aujourd’hui autorisé au jardinier attaché à sa normalitude. Récolter les cucurbitacées, l’oseille et les poireaux, élaguer les haies de troène, planter les bulbes de narcisses, perce-neige et autres crocus, bouturer les aucubas et les lauriers-palmes, tondre la pelouse, repiquer les oignons semés en août et même bêcher l’ancienne plate-bande des petits pois. Par contre, les semis et les greffages lui sont absolument déconseillés par les bons usages de l’attraction lunaire. L’expérience des anciens a en effet démontré qu’il est totalement vain de pratiquer des tâches dans l’espoir de copieuses récolte lorsque la lune ne montre que son côté gauche. Toutefois, des voix s’élèvent dans le landernau des observateurs de l’astre lunaire pour contester son emprise non seulement sur les semis de radis roses ou le ramassage des pommes de terre mais aussi sur le sommeil du jardinier. Une grande étude scientifique du Max Planck Institut auprès 1265 volontaires semblerait prouver que la pleine lune n’a aucune influence sur la qualité de repos de leurs nuits. On ne sait pas combien parmi eux s’adonnaient au jardinage, au pâturage ou à toute autre pratique ancestrale. Les conclusions n’en sont pas moins troublantes. D’autant que  les analyses des observations de plus de 23600 nuits rapportées par divers autres laboratoires de par le monde, n’ont pas permis de trouver le moindre lien avec notre satellite noctambule. Devra-t-on renoncer aux conseils grassement rétribués des guides en culture lunaire ? Et qu’en adviendra-t-il des loups garous, sabbats de sorcières et autres manifestations narrées avec tant d’éclat dans les annales de l’Histoire ?  Si les inévitables études à venir sur ce sujet concluaient définitivement que la lune n’est jamais qu’un gros tas de cailloux tournant autour de notre terre et tout juste bonne à faire un point sur un i pour amuser les poètes, ce serait tout un pan de notre culture héritée de nos ancêtres Cro-Magnon qui s’écroulerait. Grand serait le désarroi dans les campagnes ! Car, dans ces conditions, comment le monde pourrait-il poursuivre sa course joyeuse vers un avenir radieux.

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