Tondre la pelouse, ramasser l’herbe et la déposer au pied des glaïeuls pour les protéger du gel qui accompagnera inévitablement l’hiver qui s’annonce dans le sillage de l’automne. (À moins que le réchauffement climatique ne soit plus rapide que prévu !) Aérer le compost, tamiser le terreau obtenu à partir des feuilles mortes de l’année dernière. Couper les roses fanées des rosiers, les fleurs passées des dahlias et les inflorescences défraîchies des géraniums. Assister dans le hall d’accueil de la médi@thèque départementale à une conférence sans relief d’un historien universitaire d’ancien renom dans la région. Participer à un vernissage d’exposition de peinture de peu d’intérêt pour être agréable à la mère de l’artiste en herbe. Animer une causerie à bâtons rompus au sujet de mes livres devant un auditoire distrait d’une dizaine de lectrices venues à la demande de la directrice de la bibliothèque d’un bourg voisin et enchaîner avec une séance de dédicaces dans la plus petite et la plus poussiéreuse librairie de France, Navarre comprise. Je méritais bien, à l’issue d’une semaine aussi chargée, de m’installer dans mon fauteuil préféré en compagnie de mon chat César roulé en boule sur le canapé pour écouter, enfin en paix, l’enregistrement du quintette à deux violoncelles de Schubert interprété par le Quatuor Weller et Dietfried Gürtler que je viens tout juste de recevoir. Un antique vinyle Deutsch Gramophone avec Mstislav Rostropovitch et le Milos Quartett de Stuttgart, soigneusement rangé dans son vieux bahut de chêne, m’avait déjà ravi en son temps pour son adagio clair et léger comme un temps suspendu et ses sonorités amples et colorées, à la fois intimes et universelles. Mais l’interprétation qu’en donne Walter Weller apporte incontestablement une dimension différente et nouvelle pour moi, bien qu’il s’agisse d’une réédition d’un enregistrement datant du début des années 70. Ce qui n’enlève rien au fait qu’il s’agit, dans l’un et l’autre cas, de l’un des plus purs chefs-d’œuvre de la musique classique. Franz Schubert y déploie magnifiquement son inépuisable lyrisme avec les voix graves des violoncelles semblant faire la cour aux deux violons sous l’œil goguenard de l’alto. Weller évite de tomber dans l’emphase légèrement larmoyante où se laissait aller, malgré lui sans doute, le grand Rostropovitch. L’harmonie caresse l’oreille sans la flatter et entre les mouvements lents et retenus les aplats ne deviennent pas alors de simples liens grâce au discret et presque confidentiel soutien du deuxième violoncelle. Une belle humanité emporte l’ensemble moins dans la douce mélancolie que suggère le dernier mouvement de l’allegretto que dans une profonde méditation sur le repos de l’âme. À écouter et réécouter sans modération ! (Quintette pour deux violons, alto et deux violoncelles en ut majeur de Franz Schubert par le Quatuor Weller chez Decca)