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Didier Pourquery, "Les mots de l'époque"

Publié le 11 octobre 2014 par Rolandbosquet

       Claude Duneton avait consacré son Petit dictionnaire du français familier aux mots que tout le monde emploie couramment bien qu’ils ne soient guère recommandés par l’Éducation Nationale en dehors des cours de récréation et totalement bannis de la paperasse administrative. C’est ainsi qu’un enfant qui ne connaîtrait notre belle langue que par la lecture du journal officiel ignorerait tout des charmants vocables tels que confiote, casse-croûte, fric, nana, costard, tifs et autres cavaler ou les expressions si expressives comme tomber sur un os, se planter, se cailler, se carapater à Pétaouchnock et, du coup, se prendre une torgnole au retour. On ne les entend d’ailleurs pas dans les médias non plus en dépit des efforts obstinés de nos chers animateurs et autres journalistes qui manquent rarement une occasion d’écorcher la grammaire ou d’employer un mot pour un autre dans l’espoir de faire savant, intellectuel, cultivé ou, pire encore, érudit. Didier Pourquery, "ex ", entre autres, de Libération, Le Monde, Science et vie ou L’Expansion, s’est employé à réunir en 218 pages, ce qui est déjà un tour de force, quelques-uns de ces Mots de l’époque du langage quotidien que l’on rencontre régulièrement dans les colonnes de nos journaux, les "interviews" des vedettes de l’édition ou même dans les couloirs de nos Assemblées Nationales.Il les connaît bien pour les avoir allègrement pratiqués, comme ses confrères, dans ses "billets" comme dans les "dîners". Ce n’est donc pas par bougisme ou par ras-le-bol mais bien par plaisir pervers sinon par pur masochisme qu’il jette un regard chafouin sur la sardinade qui se déroule aux pieds de la chilienne où il s’est paresseusement allongé comme s’il pratiquait quelque croisière lointaine dans l’espoir de se déconnecter des vents délétères qui entourent les natalophobes "addicts" au "selfie". Au final, bien que sa démarche soit tout à fait farfelue et vouée à l’échec si son intention est vraiment d’inciter le commun des mortels que nous sommes à pratiquer un parler plus conforme aux canons de l’Académie, il fait le job, comme dit. Je le soupçonne par ailleurs de regretter quelque part que son logiciel ne soit pas aussi ouvert qu’il le faudrait pour être réellement entendu. Mais ces petites extravagances de langage ne sont guère que mode qui passera à son tour, chassée par une autre tout aussi divertissante. Il livre quoi qu’il en soit quelques pages bien réjouissantes et parfois même jubilatoires si ce superlatif quelque peu excessif ne troublait pas outre mesure l’humour plein d’érudition qui les parcourt. Sera-t-il pour autant en mesure d’aider Jacques Attali dans sa campagne actuelle pour promouvoir la francophonie ? Que deviendront les accents circonflexes de plus en plus ignorés ? Qu’en sera-t-il du "s" du vingt de quatre-vingts systématiquement passé sous silence ? Il faudra sans aucun doute bien d’autres ouvrages aussi bien achalandés pour répondre à ces maux de notre société qui court malgré tout fort joyeusement vers un avenir qu’elle espère toujours plus radieux.  (Didier Pourquery, Les Mots de l’époque, 100 tics et autres extravagances du langage quotidien, Autrement/Le Monde)  


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