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Allan Beffroi #1

Publié le 15 octobre 2014 par Yannbourven

« Il y a des matins émouvants mais difficiles. »Guy Debord« C’est à moi que tu parles ? »Robert De Niro
Beffroi dans Paris en pleine Réalité-jour, Allan Beffroi de mauvaise humeur : debout lève-toi, qu'est-ce que j'ai encore fait cette nuit, me rappelle plus d'la fin, je suis en nage. L’ordinateur portable au pied du lit, une bière renversée sur la table basse, le cendrier retourné sur le tapis, un pochon de supermarché découpé, une trace de poudre sur un boitier de dvd du film Taxi Driver, un chat bleu miaulant à la fenêtre - à qui appartient-il ? à personne peut-être -, un portable démonté devant la porte d’entrée, des pièces de deux euros éparpillées sur le plancher, Panégyrique de Guy Debord sous l’oreiller. Il se regarde dans la glace de la salle de bains, pense à Robert De Niro qu’il vénère, comment réagirait Bob les lendemains de cuite, personne ne sait vraiment, il joue, lui ! Puis il songe à Debord qui le fascine, que disait-il déjà, Guy-Ernest, dans ces moments-là ? De Niro, Debord, le chat bleu, tout se mélange… Il se met à boire un litre de flotte et le dégueule deux minutes plus tard dans l'évier, faut que je me calme, respire, il faut ABSOLUMENT fuir ces murs jaunis sur lesquels sont projetés ces rêves sordides et tendus qui se succèdent ! Cauchemars abjects et tortueux qui lui ont – en l’espace d’une petite année criblée de soirées, de défonces, de filles tordues et de contrariétés – cousu les paupières. Il se sent tout à fait seul, là, dans son satané tombeau profané par son double en transe, son foutu studio en lambeaux : impasse-dortoir qu’il emprunterait malgré lui, chaque petit matin, en étant non armé. Contournant les enfants-monstres à la langue bien pendue. Habille-toi, c’est ça, sors d’ici ! Je vais errer en saboteur, les paupières cousues, pour le moment…Tête d’Allan Beffroi en mauvaise descente. Tête plissée surplombant un corps grelottant qui courbature ce foutu présent, 21 mars, Beffroi en corps-athée bordant les terrasses fermées et embuées sous ce ciel lourd (pourtant pourvu de spectres magnifiques) mais honni par l'hiver qui se termine : saison qui fut une fois de plus dénuée de la moindre nuit (salvatrice), saison-nation qui n'est ni plus ni moins qu'un Jour Figé, toujours le même genre de jour, tu te vois, toi, immergé dans ce fatras de choses froides et souillées par le superficiel ? Regarde-toi parmi les morts-vivants : rien n'est détruit, tout est en place, la torture cérébrale tourne à plein régime, 洗脑, à la chinoise de Mao, « lavage de cerveau », même si aujourd'hui le flibanquier n'utilise plus ce terme un brin tabou dans cette société tragilibérale, mais nous sommes quand même une bonne masse de losers, se dit Allan Beffroi, bavant trimant vieillissant à même la Rééducation par la Surconsommation, de vraies Justines alcooliques que nous sommes, dont les peaux craquelées de résignation nous enveloppent telles des suaires de sacrilèges, se dit-il en soufflant de la fumée tiède assis à la terrasse du Cyrano dans la rue Biot près de la place de Clichy. D’ailleurs, il pense à Louis-Ferdinand Céline (moi, en tout cas, je ne m’enrôlerai pas dans l’armée) et il sourit. Il commande un café allongé extrêmement cher, putain, c’est ma faute tout ça, travaille plus ! gagne plus ! profite plus des autres ! parasite le monde ! ou bien apprends à aimer galérer ! mais fais un choix, décide-toi Allan Beffroi ! Une bonne femme assise à côté de lui, bête à manger du foin, braille au téléphone, non tu ne le récupéreras  pas ce week-end, non j’te dis ! tu as la garde un week-end sur deux j’te rappelle ! m’emmerde pas ! Le café refroidit. Il paie et s’en va. 

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