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Allan Beffroi #2
Publié le 15 octobre 2014 par YannbourvenMarchant, fulminant. Tandis que des poissons gris-épais lui dévorent le cuir chevelu, que ses cervicales craquent en cadence devant des passants qui toussent des insultes antisystèmes. Humains voûtés dont il ignore tout. Comment s’appellent-ils ? où vont-ils ces pseudos révoltés, vrais résignés, c’est ça, continuez donc à tousser vos miasmes SOUS CONTRÔLE, comme des bêtes enrhumées et agressives, pauvres enfants de la Sainte Flibanque, et ce mal de crâne, c’est pas vivable… La veille, la nuit, Allan en tenait une bonne, cognac tonic, coke, il avait tout claqué, terminant sa nuit dans un squat de Saint-Denis, le 6B, après avoir fait un extra dans un bar de la rue de Belleville… Tiens, quand on parle du loup, le patron du rade vient juste de lui envoyer un sms : t’es dispo ce soir à 18h ? dis-moi vite. Allan a besoin de cash… Alors il lui répond oui. Je vais remonter la ligne 2 du métro à pied, tranquillement, j’ai l’temps… aurais-je réellement les paupières cousues ? je ne vois pas mon reflet dans la vitrine de la librairie de Paris, Double en transe, es-tu là ? je repense à ces Rêves sordides projetés sur les murs jaunis de mon foutu studio en lambeaux, mon satané tombeau profané par mon double en transe, impasse-dortoir, enfants-monstres et tout le toutim… Lorsque que l'on est immergé en pleine Réalité-jour on a souvent tendance à user et abuser de la Sainte Victimisation, horreur absolue, ou véritable statut social, c'est au choix, reprends-toi Allan Beffroi, je ne suis pas une saloperie de victime ! J’suis toujours vivant, cette vie de chien ne s'arrêtera pas, cette ville-chienne non plus, si elle pouvait se figer le temps d'une journée, cette ville, il la dépouillerait de tous ses trésors : statues, bijoux, billets de banque et ces fameuses petites Parisiennes pourvues de culs insensés. Aurais-je vraiment les paupières cousues ? Pour s’en sortir, une saloperie de victime comme lui pourrait très bien se dire : scénariser les mouvements, les flux et les paroles de ces personnages vivant dans les torrents en forme de ruelles, voilà ce qu’il faudrait faire, boire les cauchemars que les hommes ont sués, décrire la Beauté que les hommes ont emmurée, voilà ce qu’il faudrait faire, voilà, faudrait faire, voilà, y’a qu’à faut qu’on, je suis moitié zombie en réalité, et moitié fou.
Destruction totale de la Réalité-jour ! Tel est son objectif, à Allan, histoire d’atteindre au plus vite l'autre rive : l'ultime accident de voiture, le monde oublié, le pays truffé de rêves organiques, de taules froissées et d'Ombres perverses, cette société éclairée par la Lune avorteuse, ce territoire infini : la Réalité-nuit ! La Réalité-nuit est tout à fait envisageable, elle a déjà sévi ici-bas : les témoins et les acteurs sont légion ; pour la faire renaître il suffirait d'assembler les différents éléments oniriques qui composeront ce géant convulsif, broyeur de résignations. Il tente de le faire tous les jours, Allan Beffroi, en écrivant, en creusant encore, en cartonnant inlassablement son inconscient, mais pour les gens il n'a jamais rien foutu de sa vie, il a juste écrit et publié des espèces de livres de poésie, des romans un peu dingues et dérangeants, mais dans ce monde ça ne compte plus, on ne lit plus c'est clair : mes engins, mes engins réels mais à l'arrêt, invisibles, trahis par le marché, mes petits monstres, vous allez rouiller si vous ne partez pas en mission mes avions de chasse ! Vivement la guerre ! Allez-y mes petits ! Bombardez ! Bombardez cette ville-chienne, peuplée d’enfants bavant sous des planchers cirés, de petits cataclysmes aux jambes arquées pleurnichant dans nos fêtes, de vieillards sans mémoire qui s’impatientent et portent plaintes contre x, de couples lassés se branlant en mélos fades, de jus avalés, de fruits pourris étalés sur la route, d’alarmes sauvages balancées sur les murs ! Ville-chienne ! Ouaf ! Mélos ! Ouaf ! Tragédie-city !