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Pont du 11 novembre

Publié le 11 novembre 2014 par Rolandbosquet

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   Journée d’exception pour mon amie Marthe Dumas, du Mas du Goth. Debout devant le monument aux morts du village et entourée d’un aréopage de notables et de quelques anonymes, elle a reçu, ce matin, un hommage autorisé pour son attitude courageuse lors de la dernière guerre. Appuyée sur sa canne et néanmoins fièrement dressée, elle écoute d’une oreille distraite le discours emprunté du maire, celui du Président  de la section locale des Anciens Combattants et celui du Président de l’amicale des Anciens Résistants. Après les "parlottes" officielles, comme elle dit, quelques-uns des  survivants de cette épopée ne manquent pas de participer au buffet offert par la commune. Et l’un de rappeler le mauvais caractère de la récipiendaire qui faillit plus d’une fois lui causer souci face aux brigades collaborationnistes. Un autre d’évoquer la tendresse avec laquelle elle pansait les blessures autant que les égratignures du cœur des jeunes réfractaires au Travail Obligatoire qui trouvaient refuge dans sa grange pour le temps d’une nuit ou plus. Un dernier de narrer une anecdote par lui vécue où elle tenait la dragée haute au maire désigné par l’occupant tandis que son protégé se faufilait dans la haie qui cernait sa cour et s’enfuyait à toute jambe vers les bois. Je n’ai jamais eu d’enfants, explique-t-elle, en guise d’excuse. Alors… ! L’assistance sourit et reprend un petit four avant de remplir de nouveau son verre de vin blanc. L’enthousiasme aidant, on en vient bientôt à grogner contre les instances nationales qui n’ont pas jugé bon de lui accorder plus tôt cette médaille qu’elle mérite incontestablement. On rappelle la mésaventure de ce pauvre réfugié alsacien un peu bousculé à la Libération parce qu’on l’avait retrouvé blotti en chemise sous la paille de l’écurie de la ferme du Mas du Goth et qu’on l’avait pris pour un Allemand. Il est devenu mon mari, l’excuse Marthe. On se gausse d’untel qui se vantait jadis du cordon accroché au revers de sa veste sans l’avoir vraiment gagné. Il était si content, lance Marthe avec indulgence. On reproche au maire actuel de n’avoir pas été plus pressant auprès des Hautes Autorités. Il se défend mollement ne souhaitant pas réveiller les vieilles querelles qui avaient accompagné son père, maire avant lui. Lorsque sonne l’angélus de midi au clocher de l’église, le nombreux public d’une dizaine de personne se disperse. Peu de monde, en effet, a jugé bon, d’honorer également les soldats morts dans les tranchées lors des boucheries de la guerre 14/18. C’est que le 11 novembre offre cette année l’occasion d’un grand pont sinon même d’un viaduc aussi sacré  que Pâques, la Pentecôte, le 15 août et Noël. On dit qu’autrefois, c’est à dire au temps des curés, ces jours correspondaient à des fêtes religieuses. Dans un état laïc, il ne saurait plus en être question. D’ailleurs, si quelqu’un insistait pour ressortir ces vieilles idées décadentes, on lui rétorquerait vertement que ces grands weekends, 1er mai inclus,  sont des avantages acquis par les travailleurs sur le capital judéo-chrétien et donc sacro-saints. C’est pourquoi il relèverait presque de la revendication populaire de "profiter" du beau temps et d’aller se baguenauder à la campagne, d’aller à la chasse aux derniers champignons ou simplement de marcher sur la plage tandis que les enfants bâtissent des châteaux de sable. Et pendant ce temps-là, le monde indifférent poursuit sa marche joyeuse vers son avenir radieux.

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