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Dédicace en Saintonge

Publié le 11 décembre 2014 par Rolandbosquet

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       Séance de dédicaces dans la librairie-papeterie-bureau de tabac-presse d’un modeste bourg de Saintonge. Accueil chaleureux de la maîtresse des lieux. Visite des locaux entre deux clients, café et petites madeleines partagées avec une fillette accompagnant sa mère. Ambiance chaleureuse, conviviale comme on dit aujourd’hui, et surtout bon enfant. Mon hôtesse connaît d’autant mieux son monde qu’elle officie derrière son comptoir depuis près de vingt ans après avoir pris la succession de ses parents. Chacun ici s’interpelle par son prénom depuis madame le maire, le clerc de notaire, le presque centenaire qui ne sort plus de chez lui que pour aller acheter son journal en trottinant sur la pointe des pieds et le gamin du boucher envoyé par son père qui ne peut quitter son étal jusqu’à la grande fille de la fleuriste du bout de la rue avec son nourrisson dans les bras qui réclame sa tétée de dix heures. Je participe ainsi à la vie locale en toute simplicité avec mes petites histoires qui en sont, pour certaines, comme un écho couché sur le papier. Une dame fort accorte à l’expérience affichée par sa chevelure un peu éparpillée mais d’un élégant gris bleuté me fait d’ailleurs la remarque au sujet de la vie "de patachon" de la famille Untel : « Si vous en faisiez tout un roman, on dirait que vous exagérez ! » Lorsque l’angélus de midi sonne à l’église Notre-Dame, l’étalage de mes livres s’est bien réduit. « Ça a marché, se félicite la tenancière. Vous mangez avec moi, bien sûr ! » Je m’interroge tandis que nous accédons à son appartement situé au-dessus du magasin par un escalier digne d’une échelle de meunier : m’aurait-elle invité si ses clients l’avaient déçue ? Tandis qu’elle prépare le repas, j’ai tout loisir d’admirer le paysage depuis la fenêtre du salon. Nous surplombons légèrement le bourg et la vue s’étale largement devant moi. Au centre, la traditionnelle carte postale est respectée avec le tracé argenté de la rivière effleurant l’église du dix-huitième siècle et son clocher jaillissant comme un totem au milieu des maisons bourgeoises. À droite et deux fois plus imposant que l’édifice religieux s’élève le silo de la coopérative agricole environné de poussière due au séchage du maïs, ce dont se plaint amèrement le voisinage à cause du bruit "infernal" à toute heure du jour et de la nuit. À gauche, au sommet d’une colline désormais chauve dominant la localité, se dresse l’inévitable pylône de l’antenne-relais du téléphone, comme pour raccrocher le passé qui s’effiloche au présent le plus actuel. Et c’est presque le futur qui s’aligne en toile de fond avec une théorie d’éoliennes en guise d’arbres centenaires. On a dit, parfois, que les souterrains médiévaux et les paysages sont les deux mamelles du tourisme rural de demain. On constate, ici, que rien n’est fait pour attirer le visiteur. Comme si les autochtones préféraient demeurer entre eux, loin des effervescences intempestives des hordes d’estivants. Mais peut-être est-ce ainsi que meurent les campagnes. On n’y viendra plus bientôt que quelques jours en été pour retrouver la famille et prendre un rapide bol d’air, pour fleurir la tombe des ancêtres pas encore engloutis dans l’oubli à la Toussaint et saluer, à la Noël, une vieille tante écolo qui connaît des recettes d’autrefois. Et bien loin de cet univers jauni, le monde poursuivra sa course imperturbable vers son avenir radieux.

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