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Yves Bichet, l'homme qui marche

Publié le 13 décembre 2014 par Rolandbosquet

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    Un ciel emmouillé et grisâtre, des températures de fin d’automne, des arbres aux branches dénudées qui ne portent plus que la tristesse du jour. C’est le temps idéal pour se plonger dans le dernier opus d’Yves Bichet. Yves Bichet est d’abord un poète. Il peut bien faire le paysan, l’artisan maçon, ou tout autre personnage improbable comme romancier à succès, il demeure avant tout un poète. Ses mots, ses écrits comme ses silences, oscillent en lisière du réel et de l’imaginaire, du possible et du rêve. Sans que l’on sache toujours, et lui aussi peut-être, de quel côté vont glisser ses histoires et les êtres qui les hantent. Son homme qui marche reflète non seulement l’humeurdu ciel mais aussi l’humeur de notre société. Robert Coublevie, s’est peu à peu enfoncé dans la solitude après le départ d’Elia, sa compagne. Ne lui reste que l’attachement de sa chienne, Elia, la seule capable de partager ses idées biscornues et ses humeurs vagabondes.  Ne lui restent que les bois, les lacs et les rivières dont il parcourt les chemins et le vieux chartreux philosophe régulièrement rencontré au hasard de ses pérégrinations le long de l’ancienne frontière qui sépare la France et l’Italie. Ce jour-là, las de la pluie, il redescend dans la ville et rejoint la compagnie des humains du Café du Nord. Sa vie n’allait nulle part et tournait inlassablement en rond sur les ruines de son couple. Elle va retrouver au détour d’un dramatique repas de salauds le sens du futur. Qu’arrive-t-il en effet à Camille, la fille du cabaretier, jeune et mignonne à croquer, qui espionne la clientèle au-dessus du bar de son père et partage manifestement de lourds secrets depuis la mort de sa mère ? Pourquoi a-t-on tué Tissot, l’agrégé des douanes aux souliers jaunes ? Que cache Mounir qui passe son temps à essuyer les verres derrière le zinc ? Mais ne nous y trompons pas. Yves Bichet n’invite pas le lecteur à le suivre dans un polar parce qu’un homme y meurt et que son entourage réunit les coupables plausibles. Il le plonge bien plutôt dans la boue d’une humanité sordide et pitoyable. Le héros, en habitué des sommets et de la nature, contemple les gesticulations de ce petit monde avec un superbe détachement où la morale est tout à fait absente. Il puisera malgré tout en lui suffisamment d’empathie ou de désespérance pour endosser la responsabilité des errements des uns et des autres. Puisqu’il faut toujours une victime expiatoire pour clore définitivement les comptes et dégager l’avenir. En "simple chemineau des frontières qui ne connaît rien à la marche du monde" Yves Bichet nous en livre la mélancolie avec des mots bruts et décalés de poète-passeur pétri de tendresse pour ses personnages en errance. "Parce que penser à l’amour est la seule façon de souffrir correctement". (L’homme qui marche, Yves Bichet, Mercure de France. Lire également la chronique du vieux bougon du 27 mai 2011)

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