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L'esprit de Noël ?

Publié le 22 décembre 2014 par Rolandbosquet

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      Il fut un temps réputé barbare où les pires ennemis attendaient le printemps pour déclencher les hostilités. Ils revêtaient alors leurs lourdes armures, chaussaient leurs longues épées, montaient leurs puissants destriers et se lançaient de grands défis sous le regard énamouré de leurs gentes dames. Le vainqueur avait droit à un sourire sinon plus si affinités. Le vaincu cachait sa rage et regagnait son chez-soi la tête basse. Mais se voyant déshonorés, ses partisans s’employaient souvent à le venger et l’on s’étripait alors joyeusement pendant quarante jours encore avant de respecter tout de même une trêve de bon aloi. Les chevaux retrouvaient l’écurie pour se reposer, les chevaliers pansaient leurs blessures, les piétons retournaient à leurs vaches et à leurs cochons. Parfois, on reprenait le combat après les moissons pour achever le travail ou simplement pour le plaisir de guerroyer. Et l’hiver revenu, troubadours et ménestrels armés de leur luth ou leur rebec célébraient en vers et en chansons les hauts faits de leurs mécènes. Mais c’était autrefois. Les siècles avançant, la guerre se modernisa et devint bientôt une affaire bien trop sérieuse pour être abandonnée en pleine action. On ne respecta plus de trêve qu’à l’issue de longues batailles qui pouvaient durer dix ans, trente ans ou même un siècle. Pour une plus grande efficacité, on inventa de lourdes et meurtrières machines qui firent de plus en plus de morts. Mais comme la population augmentait elle aussi, on manqua rarement de fantassins pour mourir en chantant au doux chant des canons. Cependant, lorsqu’un beau jour les bombes eurent détruit les villes de part et d’autre et exterminé femmes et enfants et lorsque les rescapés, épuisés et ruinés, n’en purent plus de se terrer dans leurs tranchées, il fallut bien recourir à une autre forme d’affrontement. On inventa l’économie de marché. On voit par-là que la guerre était enfin devenue contemporaine et la société hautement civilisée Mais comme il faut malgré tout se réserver des périodes de repos, chaque fin d’année voit à présent s’établir tout naturellement la trêve dite des confiseurs. Les rues sont décorées de guirlandes lumineuses à basse consommation et les sapins garnis de boules multicolores. Les magasins regorgent de jouets pour les adultes comme pour les enfants, de gâteaux pour les gourmands, de dindes aux marrons et de foies gras pour les gastronomes. Et les chalands s’adonnent en grande fébrilité à la plus haute consommation de l’année. Puis, à l’issue de joyeuses ripailles, les amis, amants, parents et toutes autres connaissances échangent mille cadeaux et mille vœux. Dans l’espoir qu’aucune trêve du consumérisme ne viendra troubler les lendemains qui s’annoncent. Même si on sait que passées les redoutables "gastro", il faudra bien repartir au combat. Car le monde, impitoyable, poursuit sa marche triomphante vers son avenir futur.

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