Magazine Journal intime

Secrets de famille (legend of the wild étron)

Publié le 27 mai 2008 par Corcky


Le truc, quand tu as une configuration familiale un peu particulière, c'est que des fois, ça te paraît tellement naturel que tu oublies que c'est un peu particulier, et que pour des gens qui ne te connaissent pas, ça peut carrément virer au chelou complet, pour peu que ta môme en rajoute une couche.
Par exemple.
L'autre jour, à l'école, je croise Nico.
Nico, c'est le papa de la meilleure amie de ma fille.
Et ça, je t'en ai déjà parlé quelque part par là.
Nico, il est divorcé. Il a deux pisseuses, la plus petite c'est la copine de Poupon la Peste.
Son ex- femme, elle est en train de restaurer un loft de trois-cent mètres carrés avec son nouveau mec. On appelle ça des bobos, par ici, et ils sont de plus en plus nombreux dans le coin, avec leurs vélos qui ne payent pas de mine, leur bouffe bio, leur miitantisme un peu bordélique qui part dans tous les sens, et leurs salaires annuels à cinq zéros.
Avec les histoires de garde alternée, je croise Nico une semaine sur deux à l'école.
Je l'aime bien, il a tout le temps l'air dans la lune et il est sympa.
Donc l'autre jour, Nico me demande si je veux que sa fille vienne dormir chez nous, rapport au fait que nos deux mômes sont devenues inséparables, qu'elles ressemblent à Dupont et Dupond, à Laurel et Hardy, à Tintin et Milou, à Rachida et Cécilia, à Boutin et son missel.
Moi, sans hésiter, je lui dis "bonne idée" et je propose le lundi soir.
Hier, donc.
Le truc, c'est que Nico et son ex-femme, je leur ai jamais raconté ma vie, évidemment, ça ne me vient pas de me présenter aux gens en leur expliquant par le menu avec qui je vis et comment je fais la brouette Corse sous ma couette (demande à Frida, pour la brouette Corse). Ils ont bien croisé Val au carnaval de l'école, mais je sais pas trop s'ils ont capté que Val n'était pas ma cousine de Normandie.
Du coup, en allant chercher les deux pestes hier soir à l'école, j'ai eu un petit moment de doute, je me suis dit que ça risquait d'être un peu compliqué dans la tête de Jessica (c'est la copine de Poupon) et qu'elle allait être un peu embrouillée, genre "il est où le papa" et tout ça.
Eh ben tu veux que je te dise?
En fait, ça s'est pas du tout passé comme je m'y attendais.
D'abord, et ça, note-le quelque part, parce que c'est hyper important: Deux gamines à la maison, c'est un peu l'équivalent d'un raid américain sur Saïgon ou Bagdad.
C'est une série de hurlements d'excitation suraigus qui te rappellent les sirènes pendant une alerte anti-aérienne.
C'est une cavalcade sans fin d'un bout à l'autre de l'appartement qui te fait penser à la charge de la Brigade Légère.
C'est un concours permanent de blagues scatologiques qui te laisse penser que tu te trouves en présence de deux bidasses complètement lobotomisés sortis d'un navet avec Michel Galabru et Darry Cowl.
C'est une avalanche de gloussements complices et stupides chaque fois que tu ouvres la bouche pour donner des conseils de bienséance, qui te donne l'impression que tu es le sergent instructeur dans un épisode de M.A.S.H.
Ensuite, et ça aussi, tu peux le noter parce que c'est quand même pas rien, parfois tu t'apperçois que même les familles les plus banales, les clans de bobos bien sous tous rapports, peuvent dissimuler d'affreux secrets nauséabonds et inavouables.
A l'heure du bain, je laisse les deux écrevisses mariner un peu dans la baignoire avec un tas de petites bestioles en plastique qu'elles s'empressent de couler en jouant à Titanic et en me foutant de l'eau partout.
Soudain, j'entends ma fille hurler (de rire):
- Môman! Viens voir, viiiiite!
Moi, déjà gavée, flegmatique comme Emma Peel face à un savant fou qui veut conquérir le monde:
- Oui, oui....
Ma fille, surexcitée, limite hystérique:
- Mais siiiii! Viens voir, c'est trop rigolo!
- Mmmmmm.
- Hi hi hi! Regarde comme ça flotte!
Cinq secondes passent.
Le temps que le truc me monte au cerveau, tu vois.
Regarde comme ça flotte.
Quoi donc?
Qu'est-ce qui peut bien flotter dans cette baignoire à la con, à part les animaux à deux balles qui doivent présentement se trouver écrasés par deux paires de petites fesses roses?
Fesses.
Flotte.
PUTAIN DE MERDE.
Je me rue dans la salle de bains.
Je trouve les mini pouffes mortes de rire, serrées dans un coin, le plus loin possible de l'objet.
Qui flotte.
En effet.
Mollement.
Un étron.
Un étron monumental qui dérive paresseusement d'un bord à l'autre, au gré des vaguelettes provoquées par les soubresauts des gamines.
Sainte merde.
Ni une, ni deux, hop hop hop, je saisis les deux guenons, une sous chaque bras, et je les sors de ce qui est devenu un bouillon de culture, un marigot infesté de bactéries infantiles aussi pathogènes qu'un spot de pub pour Soleil Vaisselle.
- QUI a fait ça?
Je le sais déjà, hein, parce que ma gosse, ça fait plus d'un an qu'elle est compètement propre, on peut lui reprocher un tas de trucs mais pas de s'oublier quelque part.
- Heu...ben c'est moi.
- M'enfin Jessica, qu'est-ce qui t'a pris?
- Ben je sais pas, je m'ai pas rendu compte.
- Mais...ça t'arrive souvent?
- Oh ben oui. Tous les jours.
- Hein??? Et aussi à l'école?
- Ben voui. Des fois.
- Et à la maison?
- Oh oui. Chaque fois que je prends un bain. Et pis aussi quand je m'amuse et que j'oublie d'aller aux toilettes. Et aussi quand je dors.
- Tu fais caca dans ta culotte quand tu joues?
- Ben oui, j't'ai dit! Et aussi quand je dors.
- Mais...et maman? Elle dit quoi, maman?
- Ben rien. Elle nettoie.
J'en reste scotchée.
Putain.
Elle nettoie.
Voilà une môme qui fait caca-culotte tous les jours à quatre ans passés, et ça préoccupe pas ses vieux plus que ça.
- Et des fois aussi, je fais pipi, mais là j'ai seulement fait caca.
Ah ben merci de préciser.
Non mais c'est pas vrai.
Je rêve.
Tu crois pas qu'ils auraient pu me prévenir, les émules de Voynet, non?
Au moins me glisser le mot, me filer des fringues de rechange, au cas où...
Mais nan, tu parles, nan, rien, que dalle, nada, nothing, nichts, niente, ils me refilent la gamine comme si de rien n'était, amuse-toi bien ma chérie et n'emmerde pas trop la maman de Poupon.
Interlude: coup de fil de ma femme, qui est allée bosser malgré les suppos à la menthe qu'elle est obligée de s'enfiler et les quintes de toux qui transforment les parois de ses bronches en papier de verre.
- Bon, ben j'arrive, je serai là dans une heure. Et avant que tu ne m'accuses: Non, je ne suis pas en retard parce que je voulais éviter de me coltiner les deux gamines.
- J'allais pas dire ça.
- Mais si.
- Mais non.
- Mais si.
- ....
- Bon, et comment ça se passe?
- Bien. Très bien. C'est pas la Chetron sauvage, c'est l'Etron furieux.
- J'ai pas compris.
- Elle a chié dans le bain.
- QUI???
- Jessica.
- Ah ben merde alors.
- Justement, oui.
Je te passe le reste de la soirée, d'un classicisme presque soporifique (pâtes et coquilettes, lavage de dents, histoire pour dormir...).
Cette nuit, je suis restée allongée sur le dos, raide comme un piquet, les yeux grands ouverts, quettant le moindre début de commencement d'embryon de pleurs d'enfant.
J'ai flippé comme ça m'était pas arrivé depuis longtemps, depuis l'époque lointaine où je voyais l'ombre de Freddy Krueger se profiler derrière mes volets.
J'attendais.
L'étron nocturne qui n'allait pas manquer de polluer le canapé-lit et d'empuantir la chambre de ma fille.
Bob l'étron.
Finalement, on a échappé au deuxième démoulage intempestif, et c'est tant mieux, parce que je suis pas sûre que j'aurais réussi à être très polie avec Nico par la suite.
J'ai largué les deux naines à l'école et je suis bien vite rentrée à la maison pour te raconter tout ça.
Au passage, je précise que Jessica n'a jamais pensé à demander qui était Val, ni ce qu'elle foutait là, ni pourquoi elle pionçait dans mon lit, ni rien de tout ça.
Soit elle était  trop occupée à se retenir de chier dans son froc, soit les enfants sont vraiment moins cons que les adultes.




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