Toi qui a un gros ventre/des poignées d’amour/une moustache/des grands pieds : est-ce que je te tripote ? Non, je ne le crois pas. Alors soyons clair : on ne touche pas non plus le ventre d’une femme enceinte. Comme le tripotage des grandes oreilles, c’est interdit. Toi que je croise juste à la machine à café, cesse de tripoter mon ventre.
Enceinte, notre corps ne nous appartient plus tout à fait. Certes, un locataire s’y installe quelques mois et on n’est plus seule, mais c’est un choix personnel qui ne regarde personne. Et le problème n’est pas là. C’est ce « ah bon ? » qui devient quasi quotidien, comme si ce ventre appartenait désormais à l’espace public. Et tout d’un coup, les gens s’autorisent à poser des questions qu’ils ne poseraient absolument pas en temps normal, et des intrusions que toute personne saine d’esprit trouverait très choquantes.
Tu ne sais pas QUI a lavé cette salade ?
Et tiens, toi toujours, que je croise à la machine à café, et qui me demande si « vraiment ?? » je compte boire ce café-non-décaféiné-avec-de-la-caféine. Cesse, aussi. Je joue encore bien la femme enceinte épanouie et sûre d’elle, mais je pourrais bien te répondre bientôt un peu aimable « de quoi je me mêle ? ». Malheureusement, le contrôle social ne se limite pas au café, il est présent partout. « Ah bon, tu manges du fromage ? », « ah bon, tu manges cette salade alors que tu ne sais pas qui l’a lavée ? », « ah bon, tu manges une huître ? »
Et voilà l’effet pervers de cette surveillance sociale : je n’assume pas tout à fait la dernière réponse. J’avoue avoir culpabilisé d’en avoir mangé trois pendant les fêtes. Et aussi du foie gras, mais je jure sur la tête de Babychou qu’il était bien cuit. (« QUOI???? » Entends-je ma collègue s’étouffer avec son café-court-sucré)
Tripotage de ventre, questions culinaires, mais aussi interrogations très indiscrètes. Je me souviens, lors de ma première grossesse, d’une collègue qui m’avait demandé sans aucune gêne si ce bébé était désiré ou un accident. Hum. Comment dire. Vraiment ?