Percy vient d’avoir 6 ans. Et il est assis par terre dans un coin de la cuisine près de la litière du chat. Il regarde sa mère qui se doigte debout, en pleurant, le petit ne comprend pas, la Mère pète, se branle tout en pétant, elle jouit et se met à se chier dessus, la merde presque liquide s’écoule lentement sur ses cuisses de chair de poule, elle attrape une assiette et se la brise sur la tête, le petit ferme les yeux tandis que la Mère, étourdie, ramasse sa merde à pleine main, et à l’aide d’une fourchette la mélange à son café, elle tend la tasse, la considère, larmes aux yeux, et boit le breuvage… Le fils essaie de se faufiler, de ramper afin de sortir de la cuisine, la Mère l’en empêche, elle hurle, et se coupe les poignets avec un morceau d’assiette, ça saigne, ça goutte sur les cheveux du petit Percy, qui s’ébouriffe, et qui demande qu’est-ce que t’as maman, je n’ai rien mon fils, elle souffle, fixe ses mains en sueur de sang et de merde, elle s’assoit par terre, pardon mon fils, maman ne va pas bien, maman est fatiguée, va dans ta chambre s’il te plait… Percy, regard perdu par la fenêtre, ébloui par les derniers rayons d’un soleil qui rythma outrageusement cette Réalité-jour. Un monde existe par-delà les barres d’immeubles et les océans, un monde nouveau qui s’offrira à lui. Mais pour le moment Percy attend impatiemment l’arrivée de la Lune avorteuse, qui ne fit pas son boulot lorsque sa Mère était enceinte de lui, il se dit que sa maman aurait dû pousser, pousser encore, fort, dans la cuvette, et que lui se serait échapper par les égouts, mais la Lune n’avorta pas la Mère, Lune ne fait pas vraiment ce qu’elle devrait faire de façon systématique, Lune est caractérielle, elle n’en fait qu’à sa tête, c’est un satellite muet fustigeant la nuit des hommes. Mais c’est aussi une divinité captivante et organique que les hommes idolâtrent depuis la nuit des temps… Le petit Percy avait eu le droit de posséder une tablette pour lui tout seul, sa mère l’encourageait souvent à regarder des films Disney ou à jouer aux jeux vidéo. Elle lui demandait aussi de mettre le volume à fond, et de rester tranquille dans sa chambre, dont elle verrouillait la porte à chaque fois que l’Homme Penché débarquait bruyamment à la maison… Et après, la plupart du temps ils se battaient et s’insultaient. Alors Percy, enfermé et apeuré, avait beau monter le son de la tablette et se boucher les oreilles avec des peluches, rien n’y faisait, il captait les hurlements terrifiants, il imaginait les pires horreurs que l’Homme Penché pouvait infliger à sa mère, sa mère toujours en pleurs, sa mère sculpture de douleurs.
La Lune avorteuse vient de faire son apparition. Elle fixe le petit Percy, qui ne sait plus où se mettre. L’Homme Penché vient aussi de débarquer à la maison, Percy reconnait sa grosse voix, Percy ne le voit pratiquement jamais en vrai, l’Homme penché n’est qu’une grosse voix, et ce soir elle hurle plus fort que d’habitude, on distingue nettement des insultes, salope, je vais te saigner comme une truie, regarde-moi, je vais vous tuer tous les deux, comment il s’appelle, dis-moi où il habite, parle-moi maintenant t’as intérêt ! Non je n’ai rien fait, me frappe pas je t’en prie ! Si salope, t’es la pute du quartier, sale chienne de merde, j’vais te défoncer ! Me touche pas ou… Lâche ce couteau, t’es trop conne pour t’en servir ! tu vas te faire mal, me menace pas salope ! tiens voilà, tu vas morfler, ça t’apprendra ! je vais te le foutre dans l’cul ton couteau ! comme ça ! bien profond ! alors tu brailles moins maintenant ! lève-toi, pute ! fais pas semblant, t’as rien !… oh ? parle-moi ! ouvre les yeux ! merde, qu’est-ce que j’ai fait, bordel. Le petit… Percy ? Percy ? t’es dans ta chambre ? ne bouge pas… ta mère a fait un malaise, il faut qu’on parte… il faut qu’on l’emmène chez le docteur, ouvre-moi la porte mon garçon, s’il te plait… Au bout de quelques minutes, l’Homme Penché défonce la porte à coups de pieds, mais Percy s’est déjà enfui par la fenêtre : il s’est retrouvé sur le balcon des voisins absents, la porte-fenêtre était restée ouverte, il s’est introduit dans l’appartement, il a ouvert leur porte d’entrée, et a quitté l’immeuble en courant. Percy s’est engouffré dans la Réalité-nuit !(image : Saturne dévorant son enfant, de Goya)