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Alan Beffroi #9

Publié le 29 janvier 2015 par Yannbourven
Alan Beffroi #9    D’une poussière à l’autre. Alan infiniment répandu sur la terre, il alourdit les positions stratégiques, il bat des mains en décadence. Les mots expulsés sont des valises piégées qui exploseront dans quelques crânes au bord de la crise de nerfs... Mille refontes, mille réagencements, mille combinaisons, des poèmes se produiront, et nous marcherons sur des pavés illuminés.     J’ai égaré mes propres symboles, à force de vouloir tout creuser, à force d’aller voir ce qui se joue vraiment dans les théâtres souterrains, à force de me glisser derrière les cloisons truquées dont je suis entouré… Dans tous ces lieux vrais et difficilement accessibles, dans ces caves moites et ces chambres surchauffées, j’y ai vu l’infini, la beauté et le sang !     J’ai égaré mes propres symboles, les ai laissés jouer entre eux sur la jetée, sachant pertinemment que tôt ou tard ils se feraient faucher par une vague métallique, qu’ils se noieraient sous mes yeux (lavés de mes dernières vertus) ! J’ai égaré mon royaume ! Les hommes ne m’ont pas cru ! Tout est devant moi, palpable : quand un romantisme se trucide, les villes automates s’activent, le monde palpite, les campagnes crèvent de faim, la température baisse dangereusement et nos ruisseaux pollués se mettent à geler, puis se craquellent : d’énormes blocs de glace se forment à l’intérieur desquels sont enfermés les hommes résignés…    Céline : je suis chef de la gare diabolique.
    Chaque nuit, les Fantômes de cette Société tragilibérale lui rendent visite pendant son sommeil ou lors de ses fréquentes intoxications. Alan Beffroi va régulièrement à leur rencontre pour les écouter comme il se doit, mais leurs discours sont souvent consternants. En effet, ces esprits serviles ne savent même pas qu’ils sont morts. Quoi ? Ha ha ! Vous n’étiez pas immortels, pauvres larves crédules, mais qui donc vous a mis cette putain d’idée en tête ? Quand Alan est soul et défoncé, il a tendance à croiser ou parler à beaucoup d’êtres qui n’existent plus, qui ne sont pas encore nés, ou à des personnages fictifs qui sortent tout droit des contes qu’il a inventés. On le voit titubant, déséquilibré, grommelant, parlant tout seul, comme les poivrots ou les crackés accrochés à leur portable imaginaire, avec au bout du fil un interlocuteur mort depuis 143 ans (il s’agit souvent d’un Communard vexé d’avoir été bêtement abattu par un Versaillais mieux entraîné), alors Alan se reprend, regarde autour de lui : c’est OK, personne ne m’a surpris en train de délirer, je suis fou ? Et quelques minutes plus tard il se met à hurler des insanités dans les rues froides ! Quand il se perd dans la nuit artificielle on a souvent l’étrange impression qu’il se dédouble : d’après ce qu’affirment certaines de ses connaissances, on aperçoit parfois les deux Beffroi marchant bras dessus bras dessous en dansant, en criant au clair de la Lune avorteuse, défonçant des poubelles en chantant, se signant devant des vitrines derrière lesquelles copulent des corps-athées sexys mais dépourvus de peau. 
A suivre...
(image : Double Self Portrait, Schiele)

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