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« Ça fait bientôt quinze ans que j’ai dix ans »

Publié le 13 février 2015 par Chapeauperuvien

Dans un mois et un jour, pour être précise.
Et il y a dix ans, ça faisait bientôt cinq ans que j’avais dix ans. Dix ans c’est si petit, et quinze ans si grand déjà.
Je me souviens de réflexions d’adultes disant « oh, 10 ans, c’est rien 10 ans ». Et moi qui me ratatinais sur mon siège en me disant « mais 10 ans, c’est presque toute ma vie ! C’est pas rien 10 ans ! ».

Justement, il y a dix ans jour pour jour, c’était le premier jour du reste de ma vie. De ces journées où ta vie change à jamais ton regard sur le monde, sur les gens qui t’entourent. De ces journées qui font aussi changer tous les regards de ton entourage sur toi-même.

La première journée d’une longue série à toucher le fond, à tester ta résistance à la souffrance, à l’innommable.
Une journée où lancée dans une voiture à 130 sur l’autoroute, la seule pensée concrète qui arrive à se former dans ta tête, c’est de détacher la ceinture discrètement, et d’ouvrir la portière pour te jeter sur le bitume. Le bitume contre ta peau fera forcément moins mal que cette douleur atroce, à gauche.

Les mois et les années passent, et la souffrance devient amie, tu te prélasses dans tes larmes, tu te complais dans ton chagrin, tu te roules dans ce gris, comme cet affreux pull que je ne quittais pas. Tu deviens l’incarnation du désespoir, et du coup aussi de l’espoir. Tu es celle qui attend. Et tu es entourée comme jamais tu n’as été, tu es ébahie de tant de soutien. Que c’est beau.

Mais quand soudain, enfin, les nuages s’évaporent, après des années de pluie, et que le soleil brille de nouveau pour toi, personne n’a envie de venir l’admirer avec toi. Ce n’est plus intéressant, elle rayonne. Pourquoi irait-on rencontrer celui qui la rend heureuse ? Pourquoi s’intéresserait on à lui ? Pourquoi chercherait-on à continuer de faire partie de sa vie ? Elle est heureuse. Comment c’est possible. Comment peut-elle passer à autre chose.

On dit que tu as changé, que tu n’es plus la même. Que tu t’es trahie. Pourtant…

Les gens aiment voir les autres souffrir, ça les valorise.
Les gens n’aiment pas le changement.

Les personnes de cette époque, celles qui m’ont vue passer par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et des ténèbres, celles qui sont restées, je peux les compter sur les doigts d’une seule main, et encore, une main qui aurait fait la guerre.
Ces personnes se reconnaîtront, je voudrais leur dire que je leur en serai éternellement reconnaissante, de m’aimer telle que je suis, d’aimer ceux qui me rendent heureuse, de m’avoir suivie quel que soit le chemin, de partager mon bonheur d’aujourd’hui, avec autant de sincérité qu’elles partageaient ma peine il y a 10 ans.

10 ans. Des litres de larmes à remplir un océan, deux diplômes, des tas de nouvelles rencontres et surtout LA rencontre de celui qui rend mes journées si douces.
10 ans moins quelques jours, et juste une seule phrase de cet incroyable psychiatre, pour sauver ma santé mentale possiblement à jamais.
Ce pendentif, presque sacré, juste avant la perte d’un être si cher. Le vide intersidéral qu’il a laissé.
Des allers-retours en avion. Un gros passage à vide. Connaître l’échec. Vite se relever, en gardant en souvenir un petit morceau de cœur glacé et beaucoup de kilos en trop.
Sentir enfin se dissiper cette culpabilité, mais toujours manquer de m’évanouir en respirant Habit Rouge ou en entendant Unchained Melody. Et toujours en parler, dès que je me lie un peu, parce que sans ça comment pourrait-on comprendre qui je suis réellement ?
10 ans, oui 10 ans, mais seulement deux jours en tout sans penser à Elle.
Un, deux, cinq déménagements. Un job. Et ce chiffre qui revient tout le temps. Vivre au 38, travailler au 38.
Des fêtes, des confettis, des projets, des envies, des passions qui se dessinent, toujours en couleurs, toujours en gourmandise.
Des naissances, ce 19 juillet 2008 et ce sms qui a tout changé.
Des mariages, NOTRE mariage, cette si belle journée que je voudrais revivre, et même recommencer parce que c’était trop bien et aussi parce qu’à l’époque je n’avais pas Pinterest.
Être marraine, un rôle qui me tenait tellement à cœur.
Puis cette incontrôlable envie d’être mère. Cinq tests de grossesse, une triste opération. Neuf mois tout pile, des prises de sang à ne plus savoir qu’en faire, apprendre à ne pas se pisser sur les doigts, réussir, être fière. Souffrir, pour la bonne cause, préférer tellement cette douleur là que celle d’il y a 10 ans. Enfin l’attraper, sous ses petits bras chauds et mouillés, et la serrer contre moi. Devenir mère. Devenir SA mère. Être encore plus fière que tout.

Il y a dix ans je n’avais pas peur de la mort. Je ne l’ai jamais cherchée mais je me disais que si elle venait, ce serait la meilleure chose qui pourrait m’arriver. Mais maintenant que j’ai été confrontée au deuil, et surtout maintenant que j’ai porté et donné la vie, j’ai peur. Et c’est bien.

Entre la Marie d’il y a dix ans et la Marie d’aujourd’hui, moi, je ne vois pas grande différence. Je suis la même, en plus grande, en plus grosse, en plus vieille, en plus mûrie, un peu plus expérimentée, un peu moins extrême, mais en gros la même. Mon cœur s’est rempli, de plein de nouvelles personnes, ma vie de nouvelles aventures, et mes cuisses de pâtisseries orientales malagueñas.
Je pense pouvoir dire que je ne regrette rien, même si j’ai fait des tas d’erreurs et que peut-être si j’avais su, je n’aurais pris certaines de ces décisions, je n’aurais pas fait certains de ces choix… Mais pas de regrets, non, car même si ce que je vais dire va sembler terriblement cliché, je crois avoir tout fait guidée par mon cœur.

10 ans, c’est pas rien. 25 ans non plus ! Je serai heureuse, dans un mois et un jour, de souffler ces bougies en étant celle que je suis. Aujourd’hui, quand je me regarde dans une glace, je souris.

love

Rendez-vous demain, ici même, pour faire le plein d’amour


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