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Mémoire vive (83)

Publié le 16 mars 2015 par Jlk

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La pensée comme un exercice matinal,et ensuite ne pas lâcher le fil rouge. L’écriture est l’exercice par excellence, mais tout y contribue : la lecture, les rencontres, les virées, la vie.Tout fait miel. HM : « Le matin, quand on est abeille, pas d’histoire, faut aller butiner ».

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Que penser de ce qu’on appelle le « retour du religieux » ? Et d’abord, est-ce un fait avéré ? Qu’observe-t-on en réalité ? Qu’est-ce que ce « religieux » alors que les églises et les couvents se vident ? Les manifestations de masse et les poussées de fanatisme relèvent-ils du « religieux » ? Que penser de tout ça ?

À la fin  des années 50, nous nous trouvions, chemises bleues et jambes nues, à chanter crânement autour du feu de camp : «La lutte suprême / Nous appelle tous / Et Jésus lui-même /Marche devant nous/ Que sa vue enflamme /Tous ses combattants / Et soutienne l’âme / Des plus hésitants / Du Christ la bannière / Se déploie au vent / Pour la sainte geurre / Soldats en avant ! ».

Or lequel d’entre nous, aujourd’hui, verserait une goutte de son sang pour la « sainte guerre » ? 

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De qui ou de quoi parlez-vous lorsque vous prononcez le nom de Dieu ? Réfléchissez bien à cela sans penser à rien.

  

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Répondant à ma question  de savoir ce qu’il pensait du road-reportagede Daniel Cohn Bendit, notre ami Eric Mathyer, installé à Curitiba depuis quelques années, me répond ceci qui en dit cent fois plus long que maintes analyses de prétendus spécialistes: « Aïe ! À ta question simple, on ne peut répondre de façon succincte car le problème est complexe. Le foot est bien sûr le « sport national » au Brésil mais il représente beaucoup plus que cela. C’est une façon de vivre, une phénomène de société, donc lié à la vie. On joue au foot à n’importe quel âge depuis qu’on se tient sur ses jambes jusqu’au moment où les jambes ne portent plus. On joue partout sans exception, dedans, dehors, au chaud au froid, en prison à l’école et à la pause au bureau. Le football influence les horaires scolaires, ceux des entreprises,c eux des familles et même ceux des églises ! Il y a des terrains de foot partoutet de toutes les tailles. 

Au dernier Mundial les Brésiliens croyaient, plus par loyauté  et par habitude, qu’ils pouvaient redevenir champions du Monde, mais sans une totale conviction. La désillusion a tout de même été grande et la douche glacée. Mais le Brésilien est optimiste et a toujours pensé que ce serait mieux demain. 

La politique ! Aïe ! Après la dictature (qui ne s’est terminée vraiment qu’il y a 30 ans, c’est peu) il y a eu ce même espoir du lendemain. Mais la démocratie brésilienne est un bel habit sur une histoire qui a toujours été de rapports de force, de violence et d’inégalité sociale, de l’arrivée des portugais en 1500, jusqu’à aujourd’hui. Les deux législatures du président Lula ont déclenché une sorte d’euphorie en enseignant au peuple le plaisir de la surconsommation payée par le surendettement encouragé parl’Etat. Les politiques démagogues, et la Présidente Dilma ne se sont pas le moins du monde projetés dans l’avenir pour ne voir que le moment présent, comme tout bon Brésilien qui a été enchanté de savoir qu’il entrait dans le groupedes grands du monde et que ce n’était qu’un début. 

L’inébranlable optimisme brésilien est bien agréable, léger et vivifiant, mais tout nouveau pour le Suisse habitué à penser que le futur va être bien difficile et bien pire et que tout progrès, « on va bien devoir le payer un jour »…

Après la Coupe du Monde il y a eu les élections où lescitoyens, pas éduqués ni encouragés à revendiquer ou protester mais bien à suivre et obéir, se sont dit pourquoi ne pas garder la même, sachant pertinemment que la corruption avait atteint des sommets. Mais l’habitude de se débrouiller (la « jeitinho », la combine), des plus pauvres aux plus riches,est bien ancrée. On a réélu (le vote est obligatoire) la même en se disant quel’autre candidat serait peut-être pire et qu’on ne savait pas vraiment. Tousles candidats avaient d’ailleurs le même programme : moins de pauvreté, plusd’éducation, moins de violence et surtout moins de corruption. De nombreuxpoliticiens impliqués dans des procès de corruption ont été élus. Un candidatnon corrompu n’a quasiment pas la possibilité de se présenter.

Le Brésil a voté, me semble-il, un peu comme quand, face à un terrain clairement boueux on décide de s’y aventurer quand même disant « ça va surement tenir ». Non ça n’a pas tenu. Trois mois après les élections,le Brésil s’embourbe et prend conscience de la situation. Il s’intéresse enfin un peu plus à ce qui se passe, il voit les ravages de la corruptions, les milliards partis dans des poches particulières (la Coupe du Monde a été une manne céleste pour bien des corrompus), il ne doute plus guère de l’implication de la plupart de ses dirigeants qui se sont enrichis  d’une façon éhontée.

Je suis frappé de voir à quelle rapidité beaucoup, encore optimistes il y a quelques mois, ont changé de discours. 

Aujourd’hui la rue pense et dit que le pays commence seulement à s’enfoncer et qu’il faudra beaucoup de temps pour un éventuel recommencement.Les immigrés de 2ème ou 3ème génération tentent d’obtenir un passeport européen, d’autres se renseignent sur les possibilités d’immigration au Canada ou ailleurs. On ne compte plus les dirigeants impliqués dans des scandales, on compte ceux qui ne le sont pas. La monnaie baisse sans cesse, les prix se sont envolés depuis le début de l’année (l’essence qui baisse partout est montée de15% en un mois), des subsides promis ne sont pas versés, on entend des craintes de retour des militaires, de dictature, de coup de force. Dimanche prochain une manifestation nationale inquiète, celle pour l’ « impeachment » de la présidente Dilma. 

Les Brésiliens sont des gens merveilleux, on trouve dans un même pays des indigènes n’ayant jamais eu de contact avec la civilisation, des régions d’avant-garde technologique, la misère la plus sombre et des riches aux fortunes sans limite. Ce  pays est un continent aux nombreux climats,les paysages sont d’une beauté et d’une diversité sans pareil, la musique est partout… mais en début 2015 les optimistes sont bien discrets ».

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Je reviens ce matin à Mon premier livre, acheté l’autre jour à La Pensées sauvage pour la somme exorbitante de 60 francs suisses, prix des reliques vintage à plus-value sentimentale indéniable. La couverture représente trois enfants réunis autour d’une table : un garçon de sept ou huit ans qui déchiffre, le doigt pointé, les lettres d’un livre ouvert ;son aînée, de neuf ou dix ans à sage ruban blanc dans les cheveux, qui a l’air de le chaperonner ; et la petite au museau juste affleurant la surface de la table. Les jeux (un ours en peluche et un train de bois) ont été abandonnés, et l’Attention se concentre sur l’exercice de lire. L’édition (« Nouvelle édition entièrement refondue » par diverses dames, dont la poétesse Vio Martin) date de 1958. J’avais onze ans et je venais de lire Michel Strogoff de Jules Verne, je collectionnais les bandes dessinées « pulps » de la série Artima et j’étais déjà accro à Bob Morane, en attendant les premiers San Antonio et la collection de Cinémonde, puis des Signe de piste… 

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La première page deMon premier livre illustre quatre voyelles (A comme Avion, I comme Iris, O comme Orange et U comme usine), le E étant absent on ne sait trop pourquoi - improbable préfiguration de La Disparition de Perec… Quant à la thématique immédiate, suisse au possible, c’est Nature et Travail, avec l’avion pour aller de l’avant. Ensuite viendront Maman (ma / mi / mo /Mu ) et Papa (pa/ pi / po / pu), puis les verbes en page quatre: Papa téléphone et maman tricote. La voyelle E n’arrive qu’en page trois, avec le chien et le soleil… 

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En alternance avec Mon premier livre, je lis Le Piège Daech – L’Etat islamique ou le retour de l’Histoire, très édifiante remontée aux sources du cancer islamiste en train de proliférer au Moyen-Orient, et bien au-delà, dont l’auteur rappelle les tenants colonialistes (la trahison et le cynisme de la Grande-Bretagne, notamment, au début du XXe siècle), avant de détailler les conséquences désastreuses de la politique américaine (notamment en Irak), d’expliquer sur quelles bases, pourries par la corruption et le mépris des populations, l’Etat islamique a progressé de quelle fulgurante et machiavélique façon, jouant à la fois sur le ressentiment occidental des musulmans et la décomposition d’Etats « dont la viabilité était largement viciée dès l’origine ».

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Le roman est à mes yeux le genre accompli de la narration en ronde-bosse, dont l’espace sphérique et l’autonomie des personnages définissent la spécificité même si sesavatars formels sont multiples. La Commedia de Dante n’est pas un roman mais un poème composé d’une suite de chants. Le Quichotte en revanche est le parangon du genre romanesque européen à ses débuts, comme l’a défini René Girard, après quoi la sphère du roman sera, cela va sans dire, à géométrie infiniment variable selon les époques et les cultures, mais le repérage du genre, dont le Nouveau Roman n’est qu’un avatar critique et formel parmi d’autres, n’en est pas moins intéressant à l’heure actuelle ou tout et n’importe quoi se dit roman alors que prolifèrent le récit de vie déguisé et le feuilleton planplan…


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