Benoitement installé dans mon fauteuil préféré en compagnie de mon chat César, j’écoute d’une oreille distraite les "Années pèlerinages" de Franz Liszt interprétées par Bertrand Chamayou. Certes, la saison exigerait plutôt le "Printemps" de Vivaldi mais les sombres arpèges du compositeur hongrois s’harmonisent mieux, hélas, avec la morosité du ciel. Quoi qu’il en soit, ni l’un ni l’autre ne sont en rien la cause de mon inquiétude après avoir lu dans mon quotidien habituel le résultat d’une étude scientifique sur les phtalates. J’avais déploré avec la rédaction l’importance de l’abstention lors du premier tour des élections départementales. Je m’étais réjoui avec les responsables des partis politiques qui estiment tous les avoir gagnées. J’avais constaté que la route est toujours plus dangereuse pour les automobilistes comme pour les piétons. J’avais compté le nombre des victimes des attentats perpétrés ici ou là au nom d’Allah, de Mahomet ou de tout autre prophète. Je m’étais apitoyé comme des milliers d’autres lecteurs sur le sort des émigrés disparus en mer Méditerranée alors qu’ils aspiraient simplement à une vie meilleure. Et je m’étais alarmé de la fréquence des pics de pollution dans les grandes villes et dans nos campagnes. J’espérais quelque répit bien mérité comme l’annonce de la publication d’un vrai roman d’Anna Gavalda, la sortie d’un album sans fausses notes de Vincent Delerm ou le renversement soudain de la courbe du réchauffement climatique. Or voici qu’au détour d’une colonne, je lis que les phtalates sont une menace pour la santé de l’homme. Le mot à lui seul fait peur tant il ressemble à une insulte de première catégorie digne d’un duel au pistolet. Michel Audiard lui-même aurait hésité à le mettre dans la bouche d’un Bernard Blier hors de lui. Mais la véritable raison de leur dangerosité réside surtout dans leur aptitude à entrer dans la composition de ces sacs et bouteilles de plastique qui pullulent sur toutes les mers du globe au point de les transformer en véritables dépotoirs. Et selon les scientifiques, ce ne serait là que brimborion de ce qui nous attend. Car ces redoutables molécules sont particulièrement perverses et notamment celles de la famille des dibutyles. Elles se cachent sans vergogne dans de nombreux produits dont ceux dits de beauté. Ainsi les vernis à ongle en sont-ils pourvus dans le but de les empêcher de craqueler au premier gratouillis. Aussitôt étalées, elles s’empressent de pénétrer dans la peau et de s’allier à d’autres produits chimiques pour s’attaquer malicieusement aux spermatozoïdes. Au risque de provoquer des mutations génétiques plus épouvantables encore que celles qui ont donné naissance aux énarques par exemple, aux ornithorynques et aux politiciens véreux. C’est pourquoi il est expressément déconseillé aux humains de sexe masculin de décorer leurs ongles des mains et des pieds. Même dans le but fort louable par ailleurs de séduire la femme de leur rêve afin d’assurer comme il se doit la survie de l’espèce. Car le risque serait grand de voir alors le monde empêché de poursuivre en toute quiétude sa marche joyeuse vers le futur de son avenir.
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