Je me suis réveillée ce matin perchée dans le bleu, dans le lumineux. Je suis sortie, en bas je savais bien qu'il y avait la mer, mais c'était mieux de continuer sur les hauteurs, alors j'ai sillonné la colline selon la même courbe de niveau, j'ai longé une rue aux maisons basses, elle semblait déboucher dans le ciel directement. Au bout, il y avait quand même quelque chose, le cimetière marin. Mais est-ce vraiment un lieu, le cimetière marin? Ce n'est pas un lieu, c'est de l'écriture, de l'écriture directement transfigurée en géographie, adossée à l'azur. Et c'est pour cela que ce cimetière là est si aisément transposable en chansons, en citations. Il est déjà au bon format.
J'y suis entrée, forcément. J'ai longé les allées, certaines excavées.
Bientôt je suis tombée sur des panneaux qui me disaient où aller.
Mais après, ça s'est compliqué.
Alors, je me suis laissée prendre par des détails. J'ai trouvé, par exemple, et c'est normal dans ce lieu qui n'en est pas un, qui est de l'écriture directement, j'ai trouvé des grands-parents possibles pour l'un de mes personnages de fiction. J'ai été triste de les retrouver là, de faire leur connaissance comme ça.
J'ai vu, aussi, les ombres portées de l'histoire.
Et puis, plus loin, j'ai trouvé l'exact inverse de ce que je croyais chercher. Un emplacement, qui ne signalait plus rien d'autre que son abandon. Et je me suis dit que c'était bien ainsi, je n'avais pas besoin d'aller plus loin, j'avais trouvé l'essentiel : la fin des concessions.
Le reste, on ira le trouver dans les livres, car en vrai c'est là qu'on s'abreuve.
Alors j'ai descendu la colline, jusqu'au miroitement des canaux, jusqu'à l'odeur de poisson. En frôlant une vitrine j'ai vu cette autre stèle, et j'étais bien d'accord : nous n'avons pas besoin de preuve.
Et ce soir, j'irai pique-niquer sur le brise-lames avec mes amis, Juliette et Stéphane. On ira sur un bateau, qui s'appelle l'Espadon.