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Conformité sociétale

Publié le 16 juin 2015 par Rolandbosquet

Conformite_societale

      Histoire de justifier une pause dans l’arrachage d’herbes indésirables ayant envahi un petit parterre où je prévois de repiquer quelques œillets d’Indes dans le but de créer une touche de couleur au pied d’une haie de chèvrefeuille arbustif, j’observe avec intérêt un écureuil gambadant gaiement de branches en branches dans les fayards qui bordent la grande pelouse de mon courtil. C’est alors que je remarque à quelques pas de là le curieux ballet d’un couple de merles. À cet endroit, un érable pourpre étale généreusement sa ramure, entretenant ainsi une large zone d’ombre où l’humidité ambiante favorise la présence de vers de terre en surface. La femelle pioche avec énergie dans l’espoir d’en attraper un tandis que le mâle sautille autour d’elle en relevant régulièrement la tête vers le ciel et en piaillant des "chuck-chuck-chuck" accélérés d’une belle voix de gorge. Un autre merle se présente bientôt sur le terrain de chasse, puis un autre et un autre encore. Bien entendu, une chamaillerie ne tarde pas à éclater. L’arrivée d’une compagnie d’étourneaux renvoie les belligérants dans les buissons alentours. Las ! La victoire des envahisseurs sera de courte durée. Intrigué par cette effervescence, mon chat César apparaît en effet en majesté sur la terrasse. À peine a-t-il fait trois pas d’une lenteur toute olympienne dans leur direction qu’ils s’éparpillent d’un coup d’aile avant de disparaître vers le bois en contrebas. Faute de combattants, je reprends alors ma tâche en souriant malgré tout. La nature n’est pas avare en effet, pour qui sait prendre le temps de la regarder avec empathie, de beaux exemples de comportement évoquant irrésistiblement celui de l’homme. L’attitude des merles se querellant pour quelques vers de terre est en tout point comparable aux empoignades devant les portes des échoppes de matériel de téléphonie les jours de sortie du dernier smartphone. Il est évident que les réserves du commerçant sont largement pourvues pour l’occasion mais les candidats acheteurs ne peuvent pas s’empêcher de jouer des coudes pour être les premiers servis. Attirés par les altercations qu’ils entendent depuis le fond de la vallée, les étourneaux qui vivent en bandes accourent à tire d’aile. Leur nombre, leur culot et leurs rauques et vindicatifs "schaarh-schaarh" leur assurent une suprématie immédiate digne de celle d’une compagnie de CRS face à une poignée de manifestants pour la libération du Kamchatka Intérieur. Mais dans un cas comme dans l’autre, la simple approche du seigneur du lieu dans son costume de justicier suffira à réconcilier les adversaires. Tout comme, lors d’une échauffourée pour quelques billes de verre, celle du maître provoque une belle envolée de moineaux aux quatre coins de la cours de l’école. Quoi qu’il en pense, l’homme relève donc bien de la nature au même titre que les sansonnets, les bergeronnettes et les libellules. Ne dit-on pas d’ailleurs que c’est un animal grégaire. Non seulement il aime à s’entasser dans des villes malgré les embouteillages et les pollutions qui les accompagnent mais dès qu’il fait 30° à l’ombre, il se précipite en masse sur le bord des rivières ou sur les plages pour y prendre le soleil comme la moindre rapiette sur le mur de la grange du père Joseph. Une grande étude américaine vient même d’expliquer qu’au bureau, les plus paresseux des employés calquent leur ardeur au travail sur leurs collègues les plus assidus. Pour faire comme tout le monde ! Nos chercheurs désignent ce regrettable comportement sous le vocable scientifique de "conformité sociétale". On voit désormais pourquoi le monde avance à grand pas sur le chemin de son futur.

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