Cher(e)s adversaires de l’immigration, fussiez-vous patriote à la mode Le Pen, fasciste pas encore bien assumé idôlatre de Sarkozy, ou socialiste comme je suis cureton à la ramasse des ordures laissées par Valls et Macron, chère bande de cons, donc, j’ai du mal à vous comprendre.
Une fois qu’on a laissé des footeux migrer en Angleterre ou en Italie pour quelques millions d’euros, et qu’on a sondé l’infinie tristesse des marmots qu’on a envoyé se faire chier à l’école pour le plus grand bonheur de leurs ascendants, on s’est rendu compte que la Méditerranée n’était plus le berceau de notre civilisation mais le tombeau de tout ceux qui essaient de fuir la guerre, la misère, la tyrannie politique, religieuse ou domestique. Tous les jours, la marée ramène les corps d’hommes, de femmes et d’enfant pas plus prédisposés à la navigation sauvage que Jean-Hugues Anglade au reportage de guerre.
Les informations regorgent de drames, dans le tunnel sous la Manche, sur les autoroutes, et partout où on confine la pauvreté pour ne pas effrayer le bourgeois en goguette susceptible de s’ébahir sur les merveilles architecturales de nos bonnes cités. Un clodo de souche au pied de la cathédrale, vous voulez bien lui verser une obole en loucedé des fois que Dieu ferait un contrôle de conformité de la bonne conscience. Juste des pièces jaunes, hein, pour ne pas encourager l’assistanat. Par contre, dès lors que le loqueteux arbore un taux de mélanine supérieure à la moyenne ou sitôt que son accent exotique laisse supposer une origine lointaine, c’est tintin pour la piécette retourne chez toi sale métèque islamiste homosexuel drogué voleur d’allocations familiales.
Chère bande de cons, c’est votre droit le plus inaliénable de n’en avoir rien à branler. Que la vue d’un gamin frigorifié dans le train d’atterrissage d’un avion ou le ventre gorgé de flotte polluée par les pétroliers et la crème solaire des rombières de la Côte d’Azur vous laissent parfaitement froid ; que de voir un pauvre hère battre le pavé quoiqu’il en soit de la météo, le ventre aussi creux que les poches ne vous fasse ni chaud ni froid, ou même que vous vous réjouissiez de voir un flic tester le savoir-faire français cher à Michelle Alliot-Marie sur les côtes d’un individu dont le seul tort est de ne pas posséder le permis idoine pour résider dans ce pays de cons, grand bien vous en fasse. Personne ne peut vous obliger à ressentir ne serait-ce qu’une once d’humanité ou de faire preuve de la moindre marque de solidarité. Après tout, bien des gens acquis à la cause des migrants n’en foutent pas une rame de plus.
Je sais bien, chers cons, qu’il est vain d’essayer de vous convaincre que vous êtes dans l’erreur. On peut énumérer tous les arguments, qu’ils soient d’ordre statistique, sociologique, économique, ethnologique, historique, rien n’y fait, vous adhérez à votre conviction débile que la France doit rester un cénacle réservé, pour le bien de la patrie, de l’emploi, de la sécurité, de l’identité et autres fariboles aussi nécessaires à la vie d’un homme que l’existence des licornes dans l’étude de l’histoire évolutive des crustacés au Précambrien. On ne sait même pas si Homo Sapiens avait un titre de séjour quand il a foutu la merde sur le territoire de Néanderthal, mais vous, plein de confiance dans le « roman national », vous savez, quand bien même vous vous traînez un patronyme qui sent plus la Lombardie ou la banlieue de Cracovie que la Touraine. Le con patriote n’est pas un paradoxe près.
Tout ceci pour dire que vous pensez bien ce que vous voulez, mais que je ne vois pas bien de quoi vous avez peur. Qu’on vous pique le dixième de pourcent de baisse du chômage du mois de juillet? Que Nusrat Fateh Ali Khan remplace Jean-Jacques Goldman en tant que personnalitée préférée des Français ? Qu’on vous enlève l’illusion confortable qui voudrait que la France soit un grand pays, pas comme ces étrangers qui ne vivent que de rapine et de charité ? Que la Sécurité Sociale fasse faillite avant que Macron ne la liquide lui-même ?
J’ai déjà évoqué ailleurs l’étonnement que provoque toujours en moi ces groupes d’ovins qui se cherchent une identité à plusieurs, incapables qu’ils sont de voir plus loin que leur télévision et le portail de leur pavillon bourgeois. Néanmoins, chers cons de toute obédience, j’ai une bonne nouvelle pour vous. Vous n’avez plus à avoir peur, puisque vous êtes déjà morts. Pendant que vous astiquez vos barrières et vos égos atrophiés, le monde continue de tourner. Tel réfugié qui était médecin au bled retrouvera peut-être un boulot à la mesure de ses compétences, et peut-être même qu’un jour il sauvera un de vos gamins. Tel migrant qui n’a d’autre talent que sa force physique contribuera peut-être à bâtir vos futurs logis. La plupart de ces individus qui n’aspirent à rien d’autre qu’à un peu de dignité, comme chacun d’entre nous, vivra probablement une existence précaire, entre humiliations policières, vexations préfectorales et camouflets professionnels. Une vraie vie de merde, mais toujours mieux que de risquer le viol, la torture, le meurtre ou tout ce que l’inventivité humaine peut déployer quand il s’agit de détruire. Et cette vie à la con, que nous partageons tous à différents degrés, n’aura pas été imposée par une cinquième colonne ou je ne sais quelle entité qui en veut à la France, mais bel et bien par les gens qu’on laisse gouverner ou « faire de la politique » en toute impunité au lieu de les jeter à la Méditerranée avec des chaussures en béton.
Pendant ce temps, chers abrutis de la frontière et de la limite, le climat se réchauffe et la mer monte. Les migrants ne débarqueront plus à Perpignan ou à Calais, mais directement à Montpellier ou à Amiens. Beaucoup viendront de bien plus loin que la Syrie ou l’Algérie, parce que leur pays aura sombré et qu’on ne pourra plus les y renvoyer. La France elle-même rapetisse, et pas qu’intellectuellement.
Ce jour-là, chère tête de nœud patriote, j’espère bien que tu auras ta bouée, car quand les flots auront emporté la moitié de ta famille et la totalité de tes biens, tu pourras faire l’expérience de l’hospitalité à la française.
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