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Kléber452b

Publié le 18 septembre 2015 par Rolandbosquet

452b

       Malgré la présence de quelques nuages et en l’absence de la lune pour cause de rendez-vous secret avec le soleil, je peux, depuis ma terrasse, admirer le ballet fantastique des étoiles avec le sentiment enivrant que l’univers est à portée de ma main. Rêve enfantin s’il en est ravivé, cet été, avec l’annonce qu’à 1400 années-lumière de mon courtil, tournerait sur elle-même une sœur jumelle de notre Terre. Sous le doux nom de Kepler 452b, elle décrirait une orbite elliptique autour d’une étoile aux caractéristiques approchant celles de notre astre solaire. Beaucoup plus volumineuse que notre Gaïa elle serait tout aussi élégamment vêtue de montagnes et de vallées, agrémentées, ici ou là, de volcans en activité. Il ne serait même pas impossible qu’une épaisse atmosphère l’enveloppe douillettement de gigantesques cumulo-nimbus survolant de vastes océans. Dès l’abord, l’empathie s’empare de l’observateur à l’égard de parents et peut-être mêmes de frères et de sœurs perdus dans les fins fonds du cosmos. Mais tout à coup, l’idée qu’ils aient pu connaître nos tristes vicissitudes assombrit l’humeur. Auraient-ils, eux aussi, leur Philippe Sollers ? Leur Christine Angot ? Leur Franck Ribéry ?  Leur Nabila ? L’imagination s’affole. Leur soleil aurait quelques milliards d’années de plus que le nôtre. La vie, là-haut, aurait donc pu naître bien avant chez nous. Connut-elle la même évolution qu’ici-bas ? Avec des diplodocus hallorum, des bisons futés, des canards à l’orange, des puces sauteuses et des cancrelats domestiques ? Avec des hommes de Neandertal, des femmes de Tautavel, des enfants de Cro-Magnon, un Jules César, un Louis XIV, un François Hollande ? On frémit à l’idée que nombre des habitants furent peut-être piqués par un cousin du fameux chikungunya, mordus par un demi-frère du roquet de madame Hidalgo ou verbalisés par la maréchaussée pour stationnement illicite. Mais partis plus tôt que nous, peut-être ont-ils aujourd’hui dépassé tous ces désagréments. Leurs organes altérés par une indigestion de barbe à papa se réparent probablement d’eux-mêmes. Une dent est-elle attaquée par une carie qu’il n’est nul besoin de recourir à un super menteur. Il suffit de mâchouiller un super chewing-gum au goût venu d’ailleurs et les méchantes bactéries sont détruites. Sur leurs immenses continents bordés de plages paradisiaques, sont érigées des villes plus modernes que modernes. Les feux de croisement sont abandonnés depuis longtemps au profit de ronds-points anglais magnifiquement décorés de plantes exotiques et de sculptures d’un Jeff Koons local. Leur Matt Pokora se contente de chanter dans sa salle de bain et la technique est si experte que l’Otello de leur Verdi est diffusé en direct sur tous les écrans de la planète. Car il ne fait aucun doute qu’une civilisation encore plus avancée que la nôtre met la culture au cœur même de la société. On déclame les poèmes des Fabien Marsaud sur les places publiques. On interprète les compositions des Pascal Dusapin. On admire les peintures des Dubuffet dans les aéroports et les tags des Darco et autres Lokiss dans les rues. Les amateurs de théâtre vont régulièrement voir les pièces d’une Isabelle Mergault ou d’un Sébastien Thiery qui donnent à réfléchir. Et de retour dans leurs pénates, tous se plongent dans le dernier opus d’un Jean d’Ormesson qui ferait pour une fois polémique dans le landernau germanopratin littéraire de leur capitale mondiale. On pourrait multiplier les exemples à l’infini. Tous plus évocateurs et séduisants les uns que les autres. Hélas, aucune donnée scientifique ne suggère à ce jour que la vie qui s’est peut-être épanouie sur cette lointaine planète préfigurerait celle qui nous attend.  Mais rien n’est impossible puisque les chemins du futur sont imprévisibles. Ce qui nous laisse encore bien des choses à penser.

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