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Les nomades, les maires et le terrain d'accueil

Publié le 06 octobre 2015 par Rolandbosquet

Nomades

     Réunion d’urgence à la mairie du village des représentants des communes de l’intercommunalité au sujet de l’aménagement d’un terrain d’accueil pour les gens du voyage. Certes un tel terrain existe déjà. Mais il est d’une taille bien insuffisante ; ses équipements sont notoirement obsolètes sinon même manquants et il se trouve si éloigné de tout que c’en est presque indécent. Il s’agit donc d’affecter à cet usage un terrain plus étendu et mieux situé et d’y effectuer les travaux nécessaires. Hélas, dans certaines circonstances, le temps a tendance à s’étirer indéfiniment. En l’occurrence, il était jusqu’ici urgent d’attendre que soit prononcé le jugement en référé du tribunal administratif suite aux plaintes déposées par les futurs riverains. Urgent d’attendre ensuite l’arrivée des beaux jours pour creuser les tranchées destinées à recueillir les tuyaux d’adduction d’eau. Urgent d’attendre que la campagne électorale soit close et que les électeurs aient désigné les nouveaux responsables. Urgent d’attendre que les élus en question, qui sont pour la plupart les mêmes que ceux de la précédente mandature, prennent pleinement connaissance des dossiers. Urgent d’attendre que les budgets soient élaborés et votés. Urgent d’attendre que les problèmes de cantine scolaire soient réglés, que le transport des élèves soit en place et que la nouvelle secrétaire ait enfin lu le compte-rendu de la précédente réunion de l’intercommunalité consacrée à ce sujet quatre années plus tôt. Mais l’urgence est à présent devenue d’autant plus urgente que la Préfecture a fait parvenir un courrier comminatoire au Président rappelant les termes de la loi et l’urgence de son application. Sous peine de pénalités financières telles que la perte définitive des subventions de l’État et de la Commission Européenne prévues à cet effet. Hélas, aucun accord n’est encore intervenu entre toutes les parties au sujet d’une affectation équitable des dits nomades. Telle commune, prétextant le nombre restreint de ses habitants, refuserait d’en prendre plus de deux à sa charge. Telle autre, expliquant que la fabrique de meubles anciens n’étant pas sur son territoire, elle manquerait cruellement des ressources suffisantes pour en accueillir plus de trois. Une troisième alléguant que, lors des dernières élections, un nombre important de voix se porta vers des représentants de partis dits extrémistes, il existerait un risque de troubles graves de la paix sociale mettant en danger l’ordre public et la sécurité des citoyens. En un mot, il serait des plus urgent de continuer à ne rien décider puisque, les nomades ne faisant que passer, l’actuel petit terrain d’accueil semble bien suffisant au regard du nombre d’utilisateurs et du nombre de jours d’utilisation. Quoi qu’il en soit, suite à la convocation du Président, les représentants de chaque commune sont donc aujourd’hui assis autour de la table. Les rituels traditionnels qui rythment les us et coutumes des manifestations de cette nature étant épuisés, la secrétaire rappelle l’ordre du jour, le Président propose à l’assemblée d’entrer d’emblée dans le vif du sujet et donne la parole à chaque représentant. De vibrants appels pour une humanité solidaire et une responsabilité appropriée retentissent alors avec plus ou moins d’emphase selon que le texte a été concocté par le conseiller culturel du maire ou par le garde champêtre communal. À la suite de quoi, c’est par une belle envolée lyrique digne d’un Châteaubriant et d’un Victor Hugo réunis que le Président lui-même conclut la série de discours avant de lever la séance. Chacun regagne alors son chez soi avec le sentiment amer qu’une fois de plus, aucune solution n’a été arrêtée. Mais les chemins du futur étant imprévisibles et les lois de la République étant ce qu’elles sont, tout espoir n’est pas perdu. Il n’est pas impossible qu’une véritable politique d’accueil des nomades entrât un jour dans les faits. En attendant ce jour, la situation actuelle nous laisse encore, malgré tout, bien des choses à penser.

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