Magazine Journal intime

Collision (United Colors of Bande de Cons)

Publié le 09 juin 2008 par Corcky

Parfois, je me dis qu'il faut arrêter de se prendre la tête au sujet des conflits internationaux et des crises économiques.
Finalement, l'Humanité peut se concevoir d'une façon très simple, qui ne s'embarrasse pas de nuances totalement inutiles et obsolètes.
Le mythique Blondin prophétisait déjà, dans une scène d'anthologie dégoulinant de sauce spaghetti et de poussière crade, que le monde se divise en deux: ceux qui ont un révolver et ceux qui creusent.
Les gentils et les méchants.
Les pauvres  et les riches.
Les pays du Sud et ceux du Nord.
Les gens à fort taux de mélanine, et les autres.
Ceux qui vivent à Gaza, et ceux qui habitent à Neuilly sur Seine.
En gros, pour te repérer dans la complexité géopolitique de nos sociétés actuelles, c'est très facile.
Tu fais deux équipes, comme dans une partie de belote.
Ensuite, tu as deux options (c'est aussi facile que de voter pour ton candidat favori pendant la Star Academy, tu vois que je ne te demande pas de lire
Averroès ou Maïmonide).


Soit tous ceux qui habitent un pays pauvre (hors Europe, parce que les pauvres d'Europe, ça compte pas), qui n'aiment pas les Américains, qui ont eu à souffrir de la colonisation occidentale, qui trouvent que Che Guevara était un demi-dieu et qui espèrent que Fidel Castro va trouver l'élixir de jouvence qui lui permettra d'accéder à la vie éternelle, sont des gentils.
Dans cette catégorie, tu rajoutes évidemment leurs amis des pays riches, qui n'aiment pas les Américains, qui ont des posters et des tee-shirts à l'effigie de Che Guevara, qui ont pour Fidel Castro la tendresse et la sympathie que leurs parents pouvaient avoir pour Mao, et qui passent leur temps à faire la révolution derrière leur écran d'ordinateur en signant des pétitions et en noircissant des milliers de pages sur les forums de discussion.
Parallèlement, tous les autres, à peu près, tu peux les considérer comme des méchants, ou en tout cas des gens dont tu devras instinctivement te méfier jusqu'à ce qu'ils t'aient montré patte blanche (en t'invitant à la prochaine sauterie des ONG à Durban, par exemple, ou en arborant un sticker contre les OGM et pour le commerce équitable).
Parce que les autres, ce sont potentiellement des individualistes occidentaux xénophobes, des agents du sionisme occulte, des adeptes du néo-colonialisme bourgeois ou même des membres du célèbre complot mondial visant à établir la domination totale des Illuminati sur Terre.
Mais attention, parce que ça se complique un peu:
Tu peux aussi choisir de baser ton jugement sur un axe totalement opposé.
Dans ce cas, les méchants seront plutôt les basanés, les sans-papiers qui viennent bouffer le pain des Français, les Noirs aux coutumes tellement barbares, les Arabes qui posent des bombes, les pauvres qui glandent au lieu de bosser, les gauchistes qui en veulent à ton fric et plus généralement tout ce qui n'entre pas dans la case douillette dans laquelle tu aimes cocooner.
Les gentils, logiquement, seront donc tous ceux qui te garantissent sécurité, ordre, morale sans tache, travail acharné et "progrès démocratique", à savoir les Etats-Unis, Nicolas Sarkozy, les Israëliens qui font courageusement barrage aux vilains Palestiniens kamikazes, et plus généralement toutes les forces politiques et sociales qui veillent à ton confort matériel, moral et culturel face aux hordes primitives et communistes qui attendent aux portes de chez toi.
Évidemment, si tu ne te reconnais dans aucune de ces catégories, tu as un sérieux problème, car tu ne peux pas jouer.
Par exemple si tu te méfies autant des OGM que de José Bové, ou si tu oses penser que, peut-être, éventuellement, il est des maux sur le continent africain qui ne sont pas totalement imputables aux anciennes puissances coloniales (oseras-tu émettre l'hypothèse que le SIDA n'a pas été volontairement introduit par les Juifs afin de décimer les populations noires?), ou encore si, malgré ton opposition toute personnelle à la pantalonnade américaine en Irak et ton intime conviction que le seul pétrole a motivé cette agression illégale, tu ne souhaites pas pour autant passer tes prochaines vacances à Damas sur l'invitation du président Bachar al-Assad.
Heureusement, Paul Haggis a pensé à toi, cher lecteur un peu déboussolé qui cherche ta place dans le Grand Foutoir Planétaire (également appelé GFP, un sigle qui a de l'avenir, davantage en tout cas qu'ONU, FN ou CGT).
Je ne saurais trop te conseiller, si ce n'est déjà fait, de visionner son petit film Collision, sorti en 2005 et qui réalisait l'exploit de nous rendre Matt Dillon, aussi en forme qu'à l'époque de Rusty James.
Bon, bien sûr, si tu as envie de te sentir conforté dans une vision binaire et manichéenne des individus, c'est plutôt raté, et dans ce cas mieux vaut foncer chez ta péripatétipute vidéaste de quartier pour louer d'urgence un bon Michael Moore ou le dernier Chuck Norris (selon que tu te places du côté des gentils ou des méchants).
Par contre, si tu penses que, dans le joyeux melting pot yankee, des Noirs peuvent avoir autant de préjugés que les Blancs, que Latinos et Asiatiques peuvent se tirer dans les pattes avec une constance qui frise la perfection dans la connerie, qu'on peut être pauvre et facho, ou bien riche et fréquentable, qu'on est toujours le salaud de quelqu'un d'autre et qu'il n'y a pas de victime désignée blanche comme neige et pure comme de l'eau d'Evian, alors tu peux éventuellement y trouver un intérêt plus que passager.
Entre le flic Noir qui n'assume pas de sortir avec une Latino, la Coréenne qui traite la femme flic de "Mexicaine de merde", le gros beauf raciste (encore un flic) qui crache sur les Noirs (mais qui risque de te surprendre), le brave commerçant musulman que l'armurier prend tout de suite pour un émule de Ben Laden, le petit serrurier Portoricain qu'on traite comme un délinquant dangereux, le Black qui a réussi dans le show-bizz mais qui reste bourré de complexes,  on s'attend forcément à ce que ça pète.
Et quand ça finit vraiment par déraper, quand l'utlime goutte d'eau fait déborder le vase de la parano urbaine multiraciale, le coup de feu mortel n'est pas tiré par celui qu'on pense.
Evidemment, c'est du vu et revu, du rebattu presque réchauffé, tellement c'est bateau, cette théorie du "rien n'est blanc, rien n'est noir, tout est gris".
M'enfin, pourquoi bouder ton plaisir, quand en plus c'est bien filmé, bien joué, et que ça correspond, malgré tout, à une problématique suffisamment sérieuse pour que la moitié de la planète foute sur la gueule de l'autre?
Du coup, je ne résiste pas au plaisir de t'allécher avec une petite scène au thème certes racoleur, mais qui n'est que la conclusion assez logique d'un bête malentendu impliquant le serrurier latino qu'on a pris pour un chef de gang assoiffé de sang (normal, c'est un Latino) et le commerçant musulman ruiné qu'on a pris pour un terroriste (normal, c'est un Musulman).
Bon, attention, cette scène révèle un moment clé du film, ne regarde pas si tu n'as pas envie de savoir, blablabla, et n'oublie pas de consommer cinq fruits et légumes par jour.



  

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