Ma femme est une actrice

La truculente Zeste de Filles avait pondu un petit billet pas piqué des hannetons entièrement dédié à ce que les femmes désignent poétiquement  par l'expression Voir débarquer les Anglais,  ou encore Recevoir un courrier de Rome.
Note bien que ces images populaires et fort appétissantes ne font pas référence au côté bloody bastard des bouffeurs de côtes d'agneau à la gelée de menthe adorateurs de Margaret Thatcher, ni à la grande époque (hélas révolue) où le Vatican pratiquait allègrement la torture, mais bien à l'habit rouge des soldats britanniques et des cardinaux du Temps Jadis.
C'était la minute culturelle.
Ceci étant dit, ce qui m'a donné l'envie de t'entretenir des variations hormonales mensuelles de la femme non encore ménopausée, ce n'est pas une puissante et irrépressible envie de mettre mon blog dans les pas de celui de Maviedeconnasse, et encore moins la coupable tentation de plagier honteusement ma petite camarade citronnée (Lucifer m'en préserve).
Non.
C'est plutôt une petite anecdote qui m'est subitement revenue en mémoire ce matin, alors que je m'étirais telle un vieux  félin empoté  puissant et nonchalant dans la douce chaleur du lit conjugal, ma femme  encore toute tiède de sommeil à mes cotés.
L'autre soir, alors qu'elle bouquinait un polar d'Harlan Coben, elle s'est brusquement tournée vers moi, les yeux hagards, l'échine frissonnante, les poils au garde-à-vous et la larmiche au bord de la paupière (j'exagère un peu, c'est un effet de style, j'ambitionne d'écrire comme Ron l'Infirmier qui est très populaire et que tout le monde il l'adore).
- C'est affreux.
- Mmmm?
- C'est affreux.
- Quoi, mon z'amour?
- Je viens de t'imaginer avec deux balles dans la tête.
- ....
- C'est à cause de ce putain de bouquin.
- ....
- J'le supporterais pas, s'il t'arrivait quelque chose.
- ....
- Je mourrais aussi.
- C'est ça, c'est ça.
- Je t'assure.
- Ok. Donc tu viens d'avoir, comment dire, une sorte de flash involontaire? Une image qui t'a traversé l'esprit avec la fulgurance d'une décision sarkozyenne? Aussi réaliste, d'ailleurs, qu'une décision sarkozyenne?
- Ben...Voui.
- Et donc j'avais reçu deux balles dans la tête.
- Oui.
- ....
- ....
- Bon, autant que je te le dise maintenant, si ça peut te rassurer: j'ai cessé toute activité au sein des Triades, de la mafia russe et de Cosa Nostra l'année dernière. Quant au trafic d'organes, j'ai décidé de plaquer mes associés Albanais parce qu'ils abusaient sur les pourcentages. Quoi d'autre? Ah ouais. J'ai détruit tous les documents d'époque que je possédais sur Mazarine Pingeot, y compris la photo de classe de Première.
- ....
- Tu te sens mieux?
- Pôv' naze.
- Cool. Tu te sens mieux.
Et j'ai repris ma lecture de l'Echo des Savanes (j'en étais au faux agent de l'Etat qui vient offrir un SDF Malien à héberger à des bobos terrorisés).
Pourquoi je me suis pas affolée plus que ça?
Parce qu'on était pile-poil dans les dates.
Et que quand ma femme est pile-poil dans les dates, on se croirait dans un remake de n'importe quel film de merde dégoulinant de bons sentiments et de drames personnels, dans lequel les enfants sont orphelins, la mère fait le trottoir, le père meurt courageusement en essayant de déboucher ses chiottes, et le chien est atteint de la Maladie de Carré.
C'est Ma meilleure ennemie, c'est Lassie Chien fidèle (avec une compilation de toutes les scènes où tu crois que Lassie elle est morte), c'est Titanic, c'est Elephant Man, c'est tout ça en meme temps et c'est encore pire.
Sentiment d'auto-dévaluation.
Dénigrement de soi.
Angoisse existentielle et mélancolie.
Tristesse macabre.
Baudelaire dirait que c'est le spleen.
Moi je dis que c'est hormonal.