Attention : l’article que voici n’est pas un « coup de gueule » ni même un édito écrit au-dessus de la mêlée ; prenez-le pour ce qu’il est, c’est-à-dire le cri du cœur d’un jeune homme qui, depuis des jours, tourne en rond dans sa chambre comme un lion en cage, hanté par l’angoisse et l’abattement pour ne pas dire le désespoir. Tant pis pour ceux qui sont incapables de comprendre ça.
Au départ, je voulais vous écrire une sorte d’inventaire répertoriant, un par un, tous les arguments que j’ai contre le Front National ; finalement, je crois que je n’en ferai rien. Pour deux raisons : premièrement, je n’en ai plus la force. Voilà des mois que je crie sur les toits tout le dégoût que m’inspire le parti de Marine Le Pen ; avant, quand je disais « À bas Le Pen, F comme Fasciste, N comme Nazi », je recueillais des approbations sans limites, mais aujourd’hui, on me répond « crise », « Europe », « chômage », « ras l’bol », « partis traditionnels pourris »… L’état d’urgence n’arrange rien : j’avoue avoir un peu de mal à expliquer qu’il faut se mobiliser contre le fascisme quand le gouvernement démocrate perquisitionne chez des militants pacifistes – des perquisitions qui sont pourtant de gentilles amusettes en comparaison de ce que le FN réserverait à ces mêmes militants : le maire d’Hénin-Beaumont qui expulse la Ligue des Droits de l’Homme dès le début de son mandat, je ne l’ai quand même pas inventé ! D’un côté, les réactions auxquelles je fais face sont presque rassurantes puisqu’elles expriment un rejet de quelque chose plutôt qu’une vraie adhésion au discours de la chienne de Buchenwald ; d’un autre côté, je ne sais jamais quoi répondre de cohérent à tout ça pour la bonne et simple raison que le rejet d’un parti aussi nauséabond est pour moi une chose tellement évidente que je suis tout bonnement incapable de déployer des arguments logiques susceptibles de soutenir mon rejet. J’avais presque 14 ans, le soir du 21 avril 2002 : l’année prochaine, j’en aurai 28. J’aurai donc passé la moitié de mon existence à vivre un cauchemar dont je désespère de me réveiller un jour ! J’avoue que quand le borgne commençait à imposer sa fille pour lui succéder à la tête de son gang, j’en riais presque : un népotisme aussi éhonté ferait passer la famille Sarkozy pour un modèle de probité ! Je me disais que c’était trop énorme, que les gens ne tomberaient jamais dans un piège aussi grossier ; je me trompais, évidemment. J’ai toujours tendance à sous-estimer la connerie humaine – je ne suis sûrement pas le seul. Je ne sais pas qui, aujourd’hui, je déteste le plus : ceux qui votent pour le FN ou ceux qui font la fine bouche concernant les moyens de lui faire barrage. J’ai pour ainsi dire des envies de meurtre quand on me dit qu’une le front républicain donne raison à la propagande de la fürheresse sur « l’UMPS » : vous croyez que les résistants gaullistes et communistes qui ont combattu main dans la main contre l’occupant nazi, alors même que tout les opposait au-delà de ça, se posaient la question de savoir si ça donnait raison à la propagande de l’ennemi, lequel ne se gênait pas non plus pour les mettre dans le même sac ? S’il faut voter pour un escroc de droite contre une ordure fasciste, je le ferai sans hésitation : libre à vous de trouver ça minable, mais je m’en fous ! Je n’ai plus aucun orgueil à ce sujet ! Je suis encore jeune et je ne veux pas mourir ! L’escroc ne me jettera pas dans un camp de concentration, lui !
Deuxièmement, si je n’écris pas davantage contre le FN, c’est aussi parce que des journalistes professionnels commencent enfin à le faire, qui plus est bien mieux que je ne le ferais moi-même : l’article anti-FN paru dans La voix du Nord a attiré l’attention à juste titre. Des journalistes qui nous disent la vérité sur le Front National et Marine Le Pen, il y en a toujours eu, mais surtout dans les médias plus ou moins « marginaux ». De son côté, la presse « sérieuse », c’est-à-dire la presse qui n’est pas estampillée « indépendante », « gauchiste », « satirique » ou autre épithète qui éveille spontanément un réflexe de méfiance chez le lecteur moyen, se contentait de reprendre, la bouche en cœur, la propagande de la blondasse, lui attribuant le monopole de la contestation en France, ne contredisant presque jamais les énormités qu’elle proférait, lui reconnaissant un génie politique qui est, en fait, plus que limité, comme l’a montré son attitude dans le studio de France Inter… Bref, il était grand temps que la presse régionale, qui n’est pas réputée pour être un repère de gauchistes illuminés, renoue avec sa mission citoyenne. Je n’ai pas souvent l’occasion de féliciter des journalistes locaux, j’exprime donc tout mon soutien à La voix du Nord, jugeant que cette région qui a déjà tant souffert mérite mieux que l’extrême-droite et que voter FN, c’est donne raison aux terroristes. Il faut espérer maintenant que l’exemple fasse tâche d’huile : si on ne peut jamais revenir en arrière, il n’est jamais trop tard pour arrêter les bêtises.
Voilà, c’est dit. Je retourne trembler pour moi et pour tous ceux que j’aime en espérant, en n’y croyant déjà plus qu’à moitié, que nous serons toujours assez nombreux à avoir suffisamment les pieds sur terre pour s’épargner le IVe Reich par tous les moyens. Et je me passe volontiers des commentaires cyniques, merci.
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