Cette nouvelle rubrique si délicatement intitulée a vocation à épingler quelques phrases trop couramment employées, jusqu’à la nausée, par certains de nos semblables qui ne se rendent même plus compte de ce qu’ils disent : chacune de ces expressions sera replacée dans son contexte et analysée de manière à vous proposer des répliques susceptibles de clouer le bec à votre adversaire.
Aujourd’hui : « T’es pas un bon vivant, toi ! »
Contexte : Vous avez été invité à une soirée chez des amis ou des relations ; au bout de quelques heures, alors que la fête bat son plein, vous n’arrivez pas à dissimuler que vous êtes fatigué et vous manifestez poliment à votre amphitryon le désir de rentrer (ou de vous coucher si votre hôte vous héberge) ; c’est alors qu’un autre convive se croit en droit de vous cataloguer et de vous lancer « T’es pas un bon vivant, toi ! »
Variantes : « Tu ne vis pas », « Tu passes à côté de la vie », « Tu n’es pas doué pour la vie », « Tu ne sais pas vivre », « Tu vis comme un moine ».
Pourquoi c’est exaspérant : On croit faire un compliment à quelqu’un en le qualifiant de « bon vivant » ; pourtant, on ne fait que lui reconnaitre une adéquation à un certain type de comportement, celui que la majorité attend de lui : en d’autres termes, on le félicite de rentrer dans une case. Quand un officier militaire dit qu’un de ses troufions est un « bon » soldat, qu’est-ce que ça veut dire si ce n’est qu’il obéit aveuglément aux ordres ? Quel enfant le corps enseignant désigne-t-il comme un « bon » élève si ce n’est celui qui ne contredit jamais un professeur, même quand ce dernier a tort ? Quand parle-t-on d’un « bon chien » si ce n’est quand on rencontre un chien qui nous obéit au doigt et à l’œil ? Et rappelez-vous de l’expression « bon sauvage »…
Que répondre ? Oubliez vos complexes et faites comprendre à votre interlocuteur que ne pas spécialement aimer faire la fête, ne pas picoler comme Depardieu ou ne pas baiser pas comme Berlusconi, ne fait pas de vous le contraire d’un « bon vivant » c’est-à-dire, littéralement, un « mauvais vivant » : vous vivez de la manière qui vous plait, c’est tout. S’il insiste et persiste à vous marteler que vous passez à côté de la « vraie » vie, ajoutez qu’il n’a pas à vous faire la morale tant que vous ne la lui faites pas vous-même : vous ne lui interdisez pas de vivre comme il lui plait, il doit respecter le fait que vous en fassiez autant, faute de quoi il encourt le risque de devenir aussi moralisateur, voire plus, que les père-la-morale dont il prétend se démarquer.
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